Washington Post, Le Caire, 20 mars LIran sest engagée dans une offensive de séduction dans le monde arabe dans le but détendre ses liens économiques et politiques et de faire échouer les efforts des Etats-Unis et de ses alliés visant à isoler lIran en raison de son programme nucléaire.
Le président Mahmoud Ahmadinejad sest rendu ce mois-ci au Koweït, première visite dun haut dirigeant iranien dans ce pays en plus de 25 ans. Dautres hauts responsables iraniens ont fait la tournée des Etats du Golfe Persique afin de les persuader dapprouver le désir de lIran de développer la technologie nucléaire, que les Américains considèrent comme une couverture pour la fabrication darmes. Mi-février, le sous ministre des Affaires Etrangères dIran pour les affaires arabes et africaines, Mohammad-Reza Baqeri, a rencontré à la Mecque le ministre des Affaires Etrangères saoudien, Saud al-Faisal, pour tenter de persuader les Saoudiens de coordonner leurs positions sur des questions régionales, selon des sources de Téhéran.
LIran a également tenté de consolider son alliance de longue date avec la Syrie, elle-même cible des efforts disolation à linitiative des Etats-Unis. LIran et la Syrie ont signé des accords commerciaux préférentiels et ont annoncé un projet de construction doléoduc entre les deux pays, bien quune partie de celui-ci devrait passer par lIrak. Lors dune réunion récente avec les dirigeants iraniens à Damas, le Premier ministre syrien Naji al-Otri, a publiquement appuyé la revendication de lIran pour son droit au développement de la technologie nucléaire, bien que pour des « fins pacifiques ».
De lautre côté de la Méditerranée, en Tunisie, les hauts responsables ont promis daugmenter les échanges commerciaux, les vols et le tourisme avec Téhéran.
Cette activité coïncide avec le soutien déclaré de lIran pour le Hamas, anciennement le Mouvement de résistance islamique, qui a remporté la majorité des sièges au parlement palestinien en janvier. Ahmadinejad a proposé de remplir les vides dans le budget de lAutorité Palestinienne laissés par le retrait de laide internationale au moment où le Hamas a pris le pouvoir. Les Etats-Unis et un grand nombre de gouvernements européens considèrent le Hamas comme une organisation terroriste et disent quil doit être isolé jusquà ce quil reconnaisse Israël et renonce à la violence.
Les observateurs arabes avancent que loffensive diplomatique de lIran constitue une nouvelle approche énergique visant à améliorer ses relations avec ses voisins. « LIran essaie de devenir un acteur dans la région. Au moins envers les Arabes, lIran tente de modérer son ton », a déclaré Maha Altorki, expert sur lIran dans la section Asie de la Ligue Arabe basée au Caire, capitale égyptienne.
Altorki a déclaré que lIran faisait face à de nombreux obstacles dans sa campagne. Les Etats du Golfe Persique, alliés proches des Etats-Unis, sont méfiants. LIran revendique des îles et des territoires sous-marins dans le golfe riche en pétrole. Lors dune réunion des ministres des Affaires Etrangères du Golfe Persique ce mois-ci, Abdullah bin Zayed al-Nahyan, ministre des Affaires Etrangères des Emirats Arabes Unis, a souligné que lIran continuait doccuper des îles revendiquées par les Emirats et demandait leur restitution pacifique.
LIran fait face également à des suspicions concernant ses intentions à long terme. Il sagit dun pays majoritairement musulman chiite de loi islamique comme les religieux iraniens le décrivent, ce qui fait que les leaders du monde arabe principalement musulman sunnite craignent que les Iraniens essaient de renverser leur loi. Lannée dernière, le roi Abdullah de Jordanie a mis en garde contre lémergence du « croissant chiite » sétendant depuis lIran en passant par lIrak et la Syrie jusquau Liban, où lIran est depuis longtemps le protecteur du Hezbollah qui a combattu larmée israélienne.
Abdullah et les observateurs du Moyen Orient ont fait remarquer que ladministration Bush avait renforcé la place de lIran dans la région en renversant Saddam Hussein et en mettant le pouvoir entre les mains des partis chiites irakiens et des milices que Téhéran avait accueillis pendant leur exil.
« Jai un réel problème avec linfluence politique de certaines factions iraniennes à lintérieur de lIrak », a déclaré Abdullah dans une interview publiée lannée dernière. « Mes inquiétudes sont dordre politique, non religieux et tournent autour de lIran, son ingérence politique en Irak, ses relations avec la Syrie et le Hezbollah et le renforcement de son alliance politico stratégique. Un scénario pourrait naître où les quatre éléments (Iran, Irak influencé par lIran, Syrie et Hezbollah) poursuivent un objectif stratégique pouvant créer un conflit majeur. »
Tous les pays arabes ne partagent pas cette inquiétude, a averti Wael al-Assad, directeur du Département des relations multilatérales de la Ligue Arabe. « Il ny a pas une position unique dans le monde arabe vis-à-vis de lIran. En général, plus un pays est proche de lIran, plus il est inquiet », a-t-il expliqué. « Bien entendu, la chute de lIrak et la montée des Chiites rendent la situation plus menaçante pour certains. »
La position des Arabes concernant le programme nucléaire de lIran est complexe en raison de leur exigence pour une région sans armes nucléaires, y compris pour Israël, qui détient depuis longtemps un arsenal nucléaire mais qui ne la jamais reconnu.
« Nous ne voulons pas que lIran se procure larme nucléaire. La différence avec lapproche américaine est que nous considérons ceci comme un problème régional », selon Assad. « Nous voulons une zone dénucléarisée. Nous déclarons quil est mauvais pour nimporte quel pays dans la région de posséder des armes nucléaires. Dans le cas contraire, il y aurait une course à larmement. Les Américains aborde cette question à léchelle de lEtat. »