Extrait de linterview de SPIEGEL avec le président iranien Mahmoud Ahmadinejad paru le 30 mai
Der Spiegel – Dans une interview avec SPIEGEL, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a abordé le thème de lholocauste, de lavenir de lEtat dIsraël, des erreurs commises par les Etats-Unis et du conflit nucléaire de Téhéran avec lOccident.
SPIEGEL : M. le président, vous êtes un fan de football et vous aimez pratiquer ce sport. Serez-vous au stade de Nuremberg le 11 juin, lorsque léquipe nationale iranienne va jouer contre le Mexique en Allemagne ?
Ahmadinejad : Cela dépend. Naturellement, je suivrai le match dans tous les cas. Je ne sais pas encore si je serai à la maison devant ma télévision ou ailleurs. Ma décision dépend dun certain nombre de choses.
SPIEGEL : Par exemple ?
Ahmadinejad : De combien de temps je dispose, de lévolution de létat de certaines relations, de mon envie et dun certain nombre dautres choses.
SPIEGEL : Lannonce de votre éventuelle arrivée en Allemagne pour le tournoi mondial de football a soulevé un vent dindignation. Cela vous a-t-il surpris ?
Ahmadinejad : Non, ce nest pas important. Je nai même pas compris comment cest arrivé. Cela navait aucun sens pour moi. Je ne sais pas doù vient toute cette agitation.
SPIEGEL : Elle provient de vos remarques à propos de lholocauste. Il était inévitable que le refus de reconnaître le meurtre systématique des Juifs par les Allemands de la part du président iranien allait faire scandale.
Ahmadinejad : Je ne vois vraiment pas le rapport.
SPIEGEL : Dabord, vous faites vos commentaires sur lholocauste. Puis on annonce que vous allez peut-être aller en Allemagne : cela a déclenché un véritable tumulte. Etiez-vous donc surpris par tout ceci ?
Ahmadinejad : Non, pas du tout, parce que le réseau du Sionisme est très actif dans le monde entier, et en Europe également. Je nétais donc pas surpris. Nous nous adressions aux Allemands. Nous navons rien à voir avec les Sionistes.
SPIEGEL : Nier la réalité de lholocauste est passible de sanctions en Allemagne. Etes-vous indifférent face à lindignation générale ?
Ahmadinejad : Je sais que DER SPIEGEL est un magazine respecté. Mais je ne sais pas sil vous est possible de publier la vérité à propos de lholocauste. Avez-vous lautorisation de tout écrire à ce sujet ?
SPIEGEL : Bien sûr, nous avons le droit décrire à propos des résultats des recherches historiques de ces 60 dernières années. Selon nous, il ny a aucun doute sur le fait que les Allemands, malheureusement, portent la responsabilité du meurtre de 6 millions de Juifs.
Ahmadinejad : Bien, alors nous ouvrons une discussion très concrète. Nous posons deux questions très simples. La première est : est-ce que lholocauste a réellement eu lieu ? Vous répondez à cette question par laffirmative. Donc la deuxième question est la suivante : à qui est-ce la faute ? La réponse se situe en Europe et non en Palestine. Cest parfaitement clair : si lholocauste a eu lieu en Europe, on doit pouvoir trouver la réponse en Europe.
Dun autre côté, si lholocauste na pas eu lieu, pourquoi alors ce régime doccupation
SPIEGEL : Vous voulez parler de lEtat dIsraël
Ahmadinejad : est arrivé là ? Pourquoi les pays européens sengagent à défendre ce régime ? Permettez-moi de faire une autre remarque. Nous pensons que, si un événement historique est conforme à la réalité, cette vérité doit être révélée dautant plus explicitement avec des recherches et des débats à ce sujet.
SPIEGEL : Ceci a eu lieu il y a longtemps en Allemagne.
Ahmadinejad : Nous ne voulons pas confirmer ou nier lexistence de lholocauste. Nous nous opposons à tout type de crime contre les personnes. Mais nous voulons savoir si ce crime a effectivement eu lieu ou non. Si oui, alors ce sont ceux qui en sont responsables qui doivent être punis, et non les Palestiniens. Pourquoi les recherches sur un acte commis il y a 60 ans ne sont-elles pas permises ? Après tout, dautres événements historiques, certains remontant à des milliers dannées, font lobjet de recherches, et même les gouvernements les soutiennent.
SPIEGEL : M. le président, avec tout le respect que je vous dois, lholocauste a bien eu lieu, il y a eu des camps de concentration, des dossiers existent sur lextermination de Juifs, un grand nombre de recherches ont été réalisées et il ne subsiste pas le moindre doute sur lholocauste ni sur le fait, et nous le regrettons amèrement, que les Allemands en sont responsables. Jaimerais maintenant ajouter une chose : le sort des Palestiniens est un thème complètement différent qui nous ramène dans le présent.
Ahmadinejad : Non, non, les origines du conflit palestinien doivent être recherchées dans lhistoire. Lholocauste et la Palestine sont deux sujets liés directement lun à lautre. Et si lholocauste a bien eu lieu, alors vous devriez permettre à des groupes impartiaux du monde entier de faire des recherches. Pourquoi restreignez-vous ces recherches à un certain groupe ? Bien sûr, je ne veux pas dire vous, mais plutôt les gouvernements européens.
SPIEGEL : Etes-vous encore en train de dire que lholocauste nest quun mythe ?
Ahmadinejad : Je naccepte une chose comme étant véridique uniquement si jen suis absolument persuadé.
SPIEGEL : Même si aucun expert occidental német le moindre doute à propos de lholocauste ?
Ahmadinejad : Mais il existe deux points de vue à ce sujet en Europe. Un groupe dérudits ou de personnes, la plupart ayant des motivations politiques, disent que lholocauste a eu lieu. Puis il y a le groupe dérudits qui représente la position opposée et qui ont été emprisonnés pour la plupart. Cest pourquoi un groupe impartial doit être formé pour enquêter et rendre un avis sur ce thème très important, parce que la clarification de cette question contribuera à la résolution de problèmes mondiaux. Sous prétexte de lholocauste, une polarisation très forte a eu lieu dans le monde et des fronts se sont formés. Il serait donc bon quun groupe international impartial examine ce sujet afin de le clarifier une fois pour toutes. Normalement, les gouvernements encouragent et soutiennent le travail de chercheurs sur des événements historiques et ne les jettent pas en prison.
SPIEGEL : À qui faites-vous référence ? De quels chercheurs parlez-vous ?
Ahmadinejad : Vous savez cela mieux que moi ; vous en avez la liste. Ce sont des personnes originaires dAngleterre, dAllemagne, de France et dAustralie.
SPIEGEL : Vous parlez probablement, par exemple, de lAnglais David Irving, du Germano-canadien Ernst Zündel, qui est jugé à Mannheim, et du Français Georges Theil, tous niant lholocauste.
Ahmadinejad : Le simple fait que mes commentaires aient provoqué des protestations aussi vives, bien que je ne sois pas européen, et le fait que jaie été comparé à certaines personnes de lhistoire allemande, montrent à quel point latmosphère est conflictuelle lorsquil sagit de recherches dans votre pays. Ici en Iran, il ny pas dinquiétude.
SPIEGEL : Si nous avons ce débat historique avec vous, cest dans un objectif bien précis. Mettez-vous en doute le droit dIsraël dexister ?
Ahmadinejad : Ecoutez, ma position est très claire. Nous pensons que si lholocauste a eu lieu, alors lEurope doit en subir les conséquences et ce nest pas la Palestine qui doit en payer le prix. Sil na pas eu lieu, alors les Juifs doivent retourner de là où ils viennent. Je pense que les Allemands aujourdhui sont eux aussi prisonniers de lholocauste. Soixante millions de gens sont morts pendant la seconde Guerre Mondiale. La seconde Guerre Mondiale était un crime gigantesque. Nous le condamnons entièrement. Nous sommes contre les effusions de sang, que le crime soit commis contre un Musulman ou contre un Chrétien ou un Juif. Mais la question est : pourquoi parmi ces 60 millions de victimes les Juifs sont-ils au cur de lattention ?
SPIEGEL : Ce nest pas le cas. Tout le monde pleure les victimes de la seconde Guerre Mondiale, les Allemands, les Russes, les Polonais et les autres aussi. Cependant, en tant quAllemands, nous ne pouvons nous décharger de cette culpabilité, cest-à-dire celle du meurtre systématique des Juifs. Mais peut-être devrions-nous maintenant passer au sujet suivant.
Ahmadinejad : Non, jai une question pour vous. Quel rôle les jeunes daujourdhui ont-ils joué dans la seconde Guerre Mondiale ?
SPIEGEL : Aucun.
Ahmadinejad : Pourquoi devraient-ils avoir ce sentiment de culpabilité envers les Sionistes ? Pourquoi devraient-ils en payer le prix ? Si les gens ont commis des crimes dans le passé, alors ils auraient dû être jugés il y a 60 ans. Un point cest tout ! Pourquoi les Allemands doivent-ils être humiliés aujourdhui parce quun groupe de gens a commis des crimes au nom des Allemands au cours de lhistoire ?
SPIEGEL : Les Allemands ne peuvent rien y faire aujourdhui. Mais il y a une sorte de honte collective pour ces actes commis au nom de lAllemagne par nos pères et nos grands-pères.
Ahmadinejad : Comment une personne qui nétait pas même vivante à lépoque peut être considérée comme légalement responsable ?
SPEIGEL : Pas légalement mais moralement.
Ahmadinejad : Pourquoi un tel fardeau pèse-t-il sur les Allemands ? Les Allemands daujourdhui ne sont en rien responsables. Pourquoi les Allemands nont-ils pas le droit de se défendre ? Pourquoi les crimes dun groupe ont-ils pris autant dampleur, au lieu de mettre en avant le grand héritage culturel allemand ? Pourquoi les Allemands ne devraient pas avoir le droit dexprimer librement leur opinion ?
SPIEGEL : M. le président, nous sommes conscients que lhistoire de lAllemagne nest pas uniquement composée des douze années du Troisième Reich. Néanmoins, nous devons accepter que des crimes horribles ont été commis au nom de lAllemagne. Nous devons admettre aussi, et il sagit dune grande réalisation des Allemands dans lhistoire daprès-guerre, quils ont lutté avec leur passé.
Ahmadinejad : Etes-vous prêts à dire cela aux Allemands ?
SPIEGEL : Oh oui, nous le faisons.
Ahmadinejad : Alors laisseriez-vous un groupe neutre demander aux Allemands sils partagent votre opinion ? Aucun peuple naccepte sa propre humiliation.
SPIEGEL : Toutes les questions sont autorisées dans notre pays. Mais bien sûr, il existe des radicaux de droite en Allemagne qui ne sont pas seulement anti-sémites, mais aussi xénophobes, et nous les considérons effectivement comme une menace.
Ahmadinejad : Laissez-moi vous demander quelque chose : combien de temps cela peut-il durer ? Combien de temps encore les Allemands vont-ils devoir accepter dêtre otages des Sionistes ? Quand cela va-t-il se terminer : dans 20, 50, 1000 ans ?
SPIEGEL : Nous ne pouvons parler quen notre nom. DER SPIEGEL nest lotage de personne ; SPIEGEL ne parle pas seulement du passé de lAllemagne et des crimes des Allemands. Nous ne sommes pas lallié non critique dIsraël dans le conflit palestinien. Mais nous voulons dire une chose clairement : nous sommes critiques, nous sommes indépendants, mais nous nallons pas simplement rester à ne rien faire lorsque le droit existentiel de lEtat dIsraël, où vit un grand nombre de survivants de lholocauste, est mis en question.
Ahmadinejad : Cest précisément notre point de vue. Pourquoi vous sentiriez-vous redevables aux Sionistes ? Sil y a vraiment eu un holocauste, Israël doit se situer en Europe, non en Palestine.
SPIEGEL : Voulez-vous relocaliser tout un peuple 60 ans après la fin de la guerre ?
Ahmadinejad : Cinq millions de Palestiniens nont pas de terre depuis 60 ans. Cest absolument déconcertant : vous payez des réparations pour lholocauste depuis 60 ans et devrez encore payer pendant 100 ans. Pourquoi le sort des Palestiniens est-il hors sujet ici ?
SPIEGEL : Les Européens soutiennent les Palestiniens de plusieurs façons. Après tout, nous avons aussi une responsabilité historique et devons aider à amener la paix dans cette région. Mais ne partagez-vous pas cette responsabilité ?
Ahmadinejad : Oui, mais lagression, loccupation et la répétition de lholocauste ne vont pas amener la paix. Ce que nous voulons cest une paix durable. Ce qui implique de prendre le problème à sa racine. Je suis heureux de remarquer que vous êtes des gens honnêtes et admettez que vous êtes obligés de soutenir les Sionistes.
SPIEGEL : Ce nest pas ce que nous avons dit, M. le président.
Ahmadinejad : Vous avez dit Israéliens.
SPIEGEL : M. le président, nous parlons de lholocauste parce que nous voulons aborder le sujet dun éventuel armement nucléaire de lIran, raison pour laquelle lOccident vous considère comme une menace.
Ahmadinejad : Certains groupes en Occident aiment qualifier les choses ou les gens de menace. Bien sûr, vous êtes libres davoir votre propre jugement.
SPIEGEL : La question fondamentale est : voulez-vous des armes nucléaires pour votre pays ?
Ahmadinejad : Permettez moi dengager une discussion sur le thème suivant : combien de temps croyez-vous que le monde peut être gouverné par le discours dune poignée de puissances occidentales ? Chaque fois quelles ont quelque chose contre quelquun, elles commencent à diffuser une propagande et des mensonges, la diffamation et du chantage. Combien de temps cela peut-il durer ?