RFI : par Olivier Rogez – Des unités, des navires et du matériel militaire iraniens sont implantés depuis quelques mois dans le port érythréen dAssab, sur la mer Rouge. Avec lappui dAsmara et de Khartoum, le régime de Téhéran semble pousser ses pions dans le golfe dAden, un lieu hautement stratégique sur la route du pétrole. Cest un axe anti-occidental qui se met en place dans une zone troublée par la présence des pirates somaliens.
Depuis le mois de décembre, des unités de Pasdarans, les Gardiens de la Révolution ont débarqué en Erythrée. Selon plusieurs sources occidentales, des navires mais aussi un sous-marin mouillent dans le port dAssab. Lendroit est stratégiquement situé sur la mer Rouge, à quelques encablures du détroit de Bab el-Mandeb et de lentrée du golfe dAden. Cest dans cette zone que transitent un quart du pétrole de la planète, mais aussi dix pour cent du commerce maritime mondial.
Autant dire que les Iraniens nont pas choisi le port dAssab par hasard. En cas de conflit avec lOccident sur la question nucléaire, Téhéran serait en mesure de mener un « Jihad maritime ». Le contrôle des détroits semble dailleurs être devenu une priorité du régime iranien qui a déjà menacé en 2008 de bloquer le détroit dOrmuz, de lautre côté de la péninsule arabique. Pendant que les marines du monde entier donnent la chasse aux pirates somaliens dans le golfe dAden, à quelques milles nautiques de là, Téhéran pousse ses pions.
La mer Rouge et locéan Indien sont devenus lune des zones les plus surveillées de la planète. LOtan, lEurope, la Cinquième flotte américaine, les Russes et les Chinois, entre autres, ont déployé des navires pour donner la chasse aux pirates somaliens. Autant dire que larrivée des Gardiens de la révolution nest pas passée inaperçue. Dautant quà quelques dizaines de kilomètres dAssab, à Djibouti, Français et Américains disposent chacun de leur base. La présence américaine sy est considérablement accrue ces dernières années. Aujourdhui, une partie de létat-major africain des Etats-Unis y est basée, de même que les activités de lutte anti-terroriste. En cas de conflit, lOtan peut utiliser les bases de Djibouti.
Alliance régionale pour contrer les Occidentaux
La question qui agite les militaires et les experts occidentaux est de savoir à quel jeu jouent les Iraniens. Plusieurs sources militaires et civiles affirment que les Gardiens de la Révolution y ont acheminé des missiles de moyenne portée. En Iran, le corps des Pasdaran dispose dun monopole sur les missiles au détriment de larmée régulière. « Les missiles sont bien présents mais en pièces détachées », confirme un expert sous couvert danonymat.
Les missiles de lIran chiite pourraient, sils étaient déployés, atteindre lArabie sunnite mais aussi Israël. La menace est suffisamment prise au sérieux pour que Tel-Aviv sen alarme. Selon nos informations, lEtat hébreu a fait savoir quil ne resterait pas sans réaction si les missiles étaient assemblés et déployés. Israël a démontré sa capacité daction en février dernier en bombardant successivement trois convois darmes destinés au Hamas dans le désert soudanais. Les armes remontaient de lErythrée et devaient transiter par le Soudan et lEgypte avant darriver dans la bande de Gaza. Une source égyptienne fait même état dun navire iranien coulé par les drones israéliens.
Soudanais, Erythréens et Iraniens ont formé une alliance régionale afin de contrer les Occidentaux. Depuis linculpation du président soudanais Omar el-Béchir, Khartoum cherche désespérément de nouveaux alliés. Asmara fut la première capitale à accueillir le président soudanais après son inculpation. Plus isolée encore que le Soudan, lErythrée veut contrecarrer son ennemi juré, lEthiopie. Elle soutient notamment depuis plusieurs années les islamistes somaliens radicaux et les séparatistes de lOgaden, une région éthiopienne peuplée de Somalis.
Article publié le 06/05/2009
http://www.rfi.fr/actufr/articles/113/article_80819.asp