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Iran : la guerre des clans fait rage au sein du pouvoir

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Le Figaro, 25 octobre – Par Delphine Minoui – Ahmadinejad avance ses pions face au Guide suprême Ali Khamenei, dont le pouvoir semble battu en brèche.

Rien ne va plus au sommet du pouvoir iranien. La visite de Vladimir Poutine à Téhéran, la semaine dernière, qui avait pour objectif de tenter de sortir le dossier nucléaire de l’impasse, n’a fait qu’exacerber les tensions opposant, autour de la question de la poursuite de l’enrichissement d’uranium, deux factions du clan conservateur : les jusqu’au-boutistes du président Ahmadinejad et les pragmatiques autour du négociateur principal, Ali Larijani, plus enclins à un compromis avec l’Occident.

En apparence, les deux hommes ont beaucoup de points communs. Ils ont officié, par le passé, au sein du Corps des Gardiens de la révolution. Ils militent, l’un comme l’autre, contre la suspension des activités nucléaires iraniennes. Ali Larijani, 49 ans, s’est fait remarquer, il y a trois ans, en reprochant à l’équipe de négociation précédente, sous le mandat de Khatami, d’être trop conciliante et d’être prête à céder « la perle » nucléaire contre « le bonbon » proposé par les Européens, c’est-à-dire une coopération nucléaire civile, économique et politique.

« Mais depuis sa nomination, il y a deux ans, à la tête du Conseil suprême de la Sécurité nationale, il s’est montré plus conciliant, analyse Reza Taghizadeh, professeur à l’Université de Glasgow et spécialiste de l’Iran. Au fil de ses rencontres avec Javier Solana, le porte-parole de la diplomatie européenne, et Mohammed ElBaradei, le directeur de l’AIEA, il s’est révélé ouvert au dialogue ». Une approche réaliste qu’Ahmadinejad s’est chargé de saper, par des discours provocateurs évoquant, à propos du nucléaire, « un dossier clos » ou « une locomotive sans frein ». « Comme s’il était convaincu, à tort, que l’enlisement des soldats américains en Irak le protégeait d’une attaque externe », observe Taghizadeh.

Le président iranien s’est octroyé un pouvoir qui dépasse, en principe, le cadre de ses responsabilités. Quand, en juillet, il fit envoyer en France son émissaire Mojtaba Hashemi pour discuter du nucléaire, il empiétait sur la tâche du négociateur principal. La semaine dernière, le démenti opposé par Ahmadinejad à l’annonce, par Larijani, « d’une suggestion particulière de Poutine » dans le dossier nucléaire, n’a été que le dernier épisode d’une série de blocages imposés par le président. En obtenant le remplacement de Larijani par un de ses proches, Saeed Jalili, Ahmadinejad tente d’avoir la haute main sur le dossier clef de l’Iran d’aujourd’hui.

PLUS PUISSANT QUE LE «GUIDE»

A 42 ans, Jalili, ancien vice ministre des Affaires étrangères, est connu pour ses positions arrêtées sur l’enrichissement d’uranium. Il a, à maintes reprises, déclaré aux média locaux que ce sujet « ne peut être négocié ». « En s’octroyant le contrôle du dossier nucléaire, en plus d’autres dossiers clefs comme les Affaires étrangères et le pétrole, Ahmadinejad s’impose comme le président le plus puissant de l’histoire de la République islamique », souligne Taghizadeh. Au point, dit-il, de défier indirectement le pouvoir du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, censé être l’ultime décideur dans les affaires de l’État. « Dans ces conditions, le guide pourrait devenir une figure symbolique plus qu’un homme de décision », précise le professeur.

Cependant, la complexité et l’opacité de la structure du pouvoir de la République islamique rendent difficile la lecture des événements. Les rumeurs de démission, hier, du ministre des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki, n’ont fait qu’accroître la confusion. Mais face aux pressions internationales, Ali Khamenei semble bien décidé à conserver les rênes du pouvoir en préservant son rôle d’arbitre. Il veut éviter de donner l’image d’une structure politique affaiblie.

C’est ainsi que Larijani honora, avant-hier, de sa présence, la rencontre entre Jalili et Solana à Rome… en tant que représentant du Guide suprême. « Il continuera, selon moi, à jouer un rôle important dans la structure du pouvoir en Iran », a même confié Solana à la télévision italienne.

Pour le politologue iranien Kaveh Afrasiabi, « le remplacement de Larijani par Jalili peut signifier une volonté de centraliser la question nucléaire. En nommant Larijani pour le représenter à Rome, Khamenei cherche à signifier qu’il souhaite contrôler l’équipe d’Ahmadinejad », dit-il.

Mais la confusion pourrait également être une tactique du régime, suggère l’analyste Saeed Leylaz. « L’entourage du guide commence à prendre au sérieux les menaces occidentales. Face aux pressions croissantes, le changement survenu au sein de l’équipe nucléaire pourrait avoir pour but de dérouter les interlocuteurs occidentaux de l’Iran, pour gagner du temps », dit-il.

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