Los Angeles Times, Berlin, 11 février Plus de 2000 exilés iraniens de toute lEurope se sont rassemblés à Berlin pour protester contre le gouvernement conservateur islamique de Téhéran et critiquer ses ambitions nucléaires comme un stratagème qui pourrait mener à une intervention militaire américaine.
La manifestation a rapidement tourné en une histoire de manuvres légales et de théories de complot. Avant quil ne débute à la Porte de Brandebourg, les autorités berlinoises avaient annulé le rassemblement, affirmant quil était en partie organisé par un groupe dopposition iranien lié au terrorisme. Un tribunal allemand a levé linterdiction, et les protestataires, retenus pendant des heures aux aéroports et dans les gares, se sont déversés dans les rues sous la pluie.
« Le régime en Iran est terrifié. Les mollahs au pouvoir savent quils vivent leurs derniers jours et ils essaient d’arrêter cette manifestation démocratique », affirme Shokrani Taheri, distribuant des tracts au milieu des officiers de police à la porte de Brandebourg. Téhéran a passé des accords avec les gouvernements européens. Il y a le commerce et le pétrole et les Européens ne veulent pas les perdre. »
La protestation marquait le 26e anniversaire de la révolution iranienne qui avait amené le gouvernement islamique au pouvoir. Elle intervient au moment où l’administration Bush et l’Europe demeurnt divisés sur la manière d’empêcher l’Iran de produire des armes nucléaires.
Le message que portent ces voix risque dêtre éclipsé par les événements internationaux. Les Iraniens de la diaspora font pression pour le renversement du régime de Téhéran par le biais de sanctions économiques et le soutien des groupes d’opposition internes.
De nombreux manifestants se sont plaints de ce que les négociations européennes avec lIran ont peu fait pour améliorer le bilan des droits de lhomme de Téhéran ou arrêter son programme nucléaire. Les protestataires ont dit que tout en sopposant à une frappe militaire américaine sur lIran, ils étaient encouragés par la fermeté des paroles adressées au régime par le président Bush durant son discours sur létat de l’Union et par la secrétaire dEtat Condoleezza Rice cette semaine. Rice a dit quune attaque sur lIran nest « simplement pas à lordre du jour » pour l’instant.
« La complaisance européenne a été futile et contre-productive. Elle noffre que des carottes à lIran », déclare Mitra Gharfanifar, ajoutant quelle a quitté lIran pour sinstaller en Allemagne il y a 18 ans après lexécution de ses frères à cause de leur sympathie pour des groupes cherchant à renverser le régime. « Aujourdhui, la dernière chose dont les Iraniens ont besoin, cest dune invasion par une puissance étrangère. Nous ne voulons pas que les mollahs trouvent des justifications pour réprimer la population. »
Ahad Kheiratie se tient debout au milieu des crépitements des haut-parleurs, pendant que l’encre des pancartes coule sous la pluie. Comme des milliers dIraniens venus de tout le continent, il a passé la matinée dans la confusion, entendant que le rassemblement avait lieu, puis était annulé, puis était à nouveau autorisé. Les organisateurs avaient prévu la venue de 40.000 personnes. Les autorités allemandes ont dit que moins de 2000 personnes étaient présentes.
Les épaules carrées et les moustaches épaisses, Ahad dit que le régime iranien est habile à manipuler les événements de loin.
« Nous sommes contre le projet de bombe atomique de lIran », déclare Ahad, qui a quitté l’Iran pour l’Allemagne en 1991. « Nous sommes contre la complaisance des Européens. Nous sommes contre une intervention militaire étrangère. Le changement doit venir de lIran. Cest ce que nous somme venus soutenir ici. »
Le ministère de lintérieur berlinois a dit que le rassemblement, organisé par le Conseil national de la résistance iranienne, aurait eu lieu pour soutenir une autre organisation, les Modjahedines du peuple dIran. Le Département dEtat américain et lUnion européenne considèrent les Moudjahidins du peuple comme une organisation terroriste. Le groupe a été impliqué dans la prise de l’ambassade américaine en Iran et d’ex membres ont accusé les Moudjahidin du peuple d’avoir saisi la richesse de ses partisans et de les intimider sous la torture.
Les Moudjahidin du peuple forment le groupe dopposition le plus important et sont méprisés par Téhéran. Des gouvernements européens, conduits par l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, tentent de persuader lIran de mettre un terme à ses tentatives d’enrichir l’uranium, et ne veulent pas que ce qui pourrait être perçu comme leur appui à un rassemblement d’Iraniens en exil puissent saper les négociations. Luranium enrichi peut servir à produire des armes atomiques, bien que lIran ait affirmé que son programme ait uniquement des buts pacifiques.
Le gouvernement français ayant interdit la manifestation à Paris la semaine dernière, les exilés lont donc déplacé à Berlin.
« Cest honteux de voir comment les gouvernements européens se plient devant les Iraniens », dit Ali Safavi, président dun groupe de recherches sur le Moyen-Orient proche des Modjahedines du peuple. « Cest pour cela que la complaisance ne marche pas. Cest à cause des intérêts économiques et du commerce des Européens avec lIran. Mais à la fin de la journée, la liberté dexpression a pu se faire respecter. »
Safavi, membre du Conseil national de la résistance iranienne, a estimé que le nombre de manifestants à Berlin avait été limité par les restrictions imposées avant la levée de linterdiction du rassemblement. Il a affirmé que la police avait empêché les bus de décharger des milliers de protestataires et les autorités avaient retenu des « dizaines de vols charters remplis dIraniens en exil » à Oslo, Paris, Copenhague et dans dautres villes.