The Times, 26 juillet par Rosemary Righter, Analyse LIran et la Syrie se réjouissent du grabuge au Moyen-Orient, mais ils vont trop loin.
LIran et la Syrie ont brutalement bouleversé léchiquier du Moyen Orient en utilisant les pions du Hamas et du Hezbollah. La tentative inquiète et, comme ils doivent lespérer, futile de rassembler les pièces doit faire considérablement plaisir à ces deux régimes intrigants, nihilistes et intransigeants.
Pousser Israël à la guerre revêt plusieurs intérêts à la fois, aussi bien pour Mahmoud Ahmadinejad, en Iran, que pour Bashir Assad, en Syrie. Le premier est défensif. Ils ont calculé que les crises à Gaza et au Liban allaient permettre à Téhéran et à Damas, où la pression internationale fait monter la température jusquà un point insupportable, de souffler un peu. En cela, ils ont réussi jusquà maintenant. Le monde a eu soudain des choses plus urgentes à faire que de pénaliser lIran pour son attitude de défi dans le conflit nucléaire, mettre en examen le président Assad et ses petits copains pour leur rôle présumé dans le meurtre lannée dernière de lhomme politique Rafik Hariri, ou même pour leur soutien au terrorisme en Irak.
Le second objectif, plus général, est de réaffirmer leur influence sur le camp réjectionniste engagé, selon les termes jubilants du président Ahmadinejad, à « lélimination de la tache sioniste ». Le kidnapping organisé par le Hamas était prévu pour saboter les efforts du président palestinien Mahmoud Abbas de formation dun gouvernement dunité nationale qui aurait restreint le Hamas, même seulement de manière tacite et tactique, et qui devait reconnaître le droit dIsraël dexister, mais aussi pour lempêcher politiquement dexécuter sa menace dinviter les Palestiniens à voter sur la formule des deux Etats, si le Hamas refusait.
Lenlèvement du soldat israélien Gilad Schalit a été mené par la branche armée du mouvement qui est sous les ordres de Damas. Lassaut du Hezbollah contre une patrouille israélienne deux semaines plus tard a eu lieu le lendemain de la visite au bureau syrien du Hezbollah du négociateur nucléaire en chef iranien, Ali Larijani, qui rentrait dune réunion délicate à Bruxelles. Les approvisionnements de lIran en armes et en « conseillers militaires » au Hezbollah ont augmenté fortement dans les semaines qui ont précédé lattaque.
Pour Israël, ces deux opérations transmettent un message unique : nimaginez pas quun retrait du Liban, de Gaza ou même tout le long de vos frontières de 1967 vont ramener la paix ou vous mettre en sécurité. Israël sest uni comme il le fait toujours lorsquil subit des attaques ; mais la confiance dans la stratégie du gouvernement Olmert-Sharon de désengagement unilatéral de la rive ouest est mal en point.
Il sagit dune alliance opportuniste ; la Syrie baathiste et la théocratie iranienne chiite ont peu de choses en commun à part la détermination de garder lAmérique en retrait, Israël isolé, les extrémistes palestiniens en position de domination et les gouvernements arabes désireux de former un front uni contre lun de ces fauteurs de troubles perpétuels.
Damas et Téhéran, sans bouger un petit doigt militaire, radicalisent lopinion publique et démontrent au monde quel genre de grabuge ils peuvent, par des intermédiaires, déclencher. LIran et la Syrie nient avoir orchestré les raids du Hamas et du Hezbollah, mais ils nespèrent pas non plus, ni ne souhaitent, que lopinion publique arabe prenne ces dénégations au sérieux. Jubilant devant la souffrance dIsraël au moment où les roquettes du Hezbollah frappaient son territoire, la haine des militants arabes sunnites envers le chiisme a été mise de côté. Gaza est une mer de drapeaux jaunes du Hezbollah et Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, est devenu un personnage culte. La Syrie a la satisfaction dobserver le rétablissement fragile du Liban seffondrer.
Pendant sa longue occupation du Liban, la Syrie a nourri le Hezbollah avec presque autant daffection que lIran. Sachant que larmée libanaise est trop faible pour désarmer le Hezbollah et que lOTAN est horrifiée par lidée dune intervention, le président Assad simagine peut-être quil peut échapper à la condamnation en se donnant le nouveau rôle de pacificateur. Un conseiller dAssad a eu leffronterie de suggérer que si les troupes syriennes, expulsées de force du Liban il y a un an dans la vague dindignation qui a suivi lassassinat dHariri, avaient lopportunité dy retourner, la Syrie pourrait apprivoiser le Hezbollah et rendre la frontière sud du Liban aussi calme que la ligne de cessez-le-feu israélo-syrienne sur les Hauteurs de Golan, desquelles le monde reconnaissant allait ensuite forcer Israël à partir.
Les vies des Libanais et des Palestiniens figurent bien dans cette équation cynique, non en tant que tragédie humaine, mais quopportunité géopolitique. Plus les dégâts causés par Israël sont importants, plus la pression internationale sur Israël pour quil cesse immédiatement décraser le Hezbollah est importante ; et même si des restes de ses milices survivent pour combattre un jour prochain, Téhéran va se vanter quil sagit dune victoire glorieuse pour lIslam armé. Dans ce contexte, larrivée de Condoleezza Rice sur la scène est un présage optimiste de lhumiliation dIsraël.
La pièce cependant pourrait ne pas se jouer comme lIran et la Syrie lentendent. Le scénario est trop évident, laffront à la « modération » arabe trop flagrante. Les gouvernement arabes sont beaucoup plus furieux contre l « irresponsabilité » du Hamas, du Hezbollah et des Etats qui les ont créés que contre Israël. Ces hostilités manigancées les menacent directement et, cette fois, ils le savent et sont prêts à se joindre à lautre camp.
Le Hezbollah, Etat à lintérieur dun Etat, est lennemi de la démocratie libanaise qui lutte pour naître. Les Libanais le savent ; ils ont refusé en grande majorité de voter en sa faveur lors des élections lannée dernière et il existe maintenant un ressentiment des plus amers contre le Hezbollah qui leur a infligé une nouvelle catastrophe dans une guerre qui nest pas leur guerre.
Cest la première guerre au Moyen Orient menée sous la bannière du terrorisme islamiste. Les gouvernements arabes veulent à tout prix que ce soit la dernière. Dr Rice a pris les bonnes initiatives hier en rencontrant M. Abbas ainsi que M. Ehud Olmert et en insistant pour revenir à lagenda de lEtat palestinien. Les réjectionnistes sont allés trop loin. La majorité des Palestiniens soutiennent toujours M. Abbas et la solution des deux Etats. Même M. Ahmadinejad semble devenir hésitant, ayant déclaré hier que seul un dialogue pouvait empêcher « louragan » de balayer le Moyen-Orient. Les pourparlers sur un « nouveau Moyen-Orient » semblent être une tentative pour se redonner du courage et affronter la tempête ; mais les tempêtes sont vigoureuses et celle-ci pourrait bien changer le paysage tout entier.