Le Temps, 3 octobre – Un peu avant 9 heures chaque matin, ils déplient leur arsenal place des Nations, à Genève. Tracts, banderoles, haut-parleurs et même un réservoir de parapluies jaunes frappés du sceau de l’organisation: les Moudjahidin du peuple (OMPI), acharnés dissidents iraniens. Ils sont quelques dizaines à manifester là depuis près de quarante jours, revendiquant la protection de ceux des leurs qui vivent dans un camp retranché du nord de l’Irak. «Trois mille cinq cents personnes habitent la cité d’Achraf, veillée par les forces multinationales. Nous craignons que les Etats-Unis ne se retirent d’Irak en abandonnant nos familles et amis à la répression du régime de Téhéran», souligne Elaheh Azimfar, membre de la commission des affaires étrangères du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), vitrine politique des Moudjahidin du peuple.
Et pendant que la petite dame voilée ponctue son discours de photographies montrant les rassemblements de ses pairs aux quatre coins du monde, des militants s’activent derrière elle pour peaufiner la mise en scène, ajuster les fanions. «Ils viennent de partout: du Canada, d’Italie, de France ou de Belgique», énonce fièrement Elaheh Azimfar. De fait, la capacité des Moudjahidin à mobiliser ne cesse d’étonner, des coups de fil incessants aux rédactions, aux défilés rassembleurs organisés ici ou là. En 2006-2007, un piquet a été tenu durant 221 jours devant le Haut-Commissariat pour les réfugiés à Genève, en faveur, déjà, des occupants d’Achraf. Cet été, un meeting a réuni quelque 70000 personnes – selon les organisateurs – à Villepinte en banlieue parisienne, pour appeler au retrait de l’OMPI des listes européennes et américaine des organisations terroristes. L’organisation a officiellement déposé les armes en 2002 (lire encadré).
«Aucun parti politique ne parvient à regrouper autant de monde, c’est assez stupéfiant, convient Bernard Hourcade, directeur de recherche au Centre national français de la recherche scientifique. Trente ans après la révolution islamiste, les Moudjahidin parviennent encore à capitaliser dessus car ils représentent la seule opposition massive au régime des mollahs.» C’est l’OMPI, ainsi, qui a dénoncé en 2002 le programme nucléaire de Téhéran auprès des Nations unies. L’OMPI, encore, qui révélait mardi que des experts nord-coréens sont impliqués dans le processus. Et sur les sites internet du mouvement, les dérives – nombreuses – des autorités iraniennes sont minutieusement répertoriées: «des filles battues pour avoir mangé durant le Ramadan», «500 condamnés à mort à Machad»… Nombre de personnes et de personnalités (Danièle Mitterrand, Mgr Gaillot, l’Abbé Pierre en son temps…) soutiennent l’organisation en réaction aux excès du régime islamiste. ( )