La Croix: Les exécutions arbitraires se multiplient dans le pays, neuf opposants « contre-révolutionnaires » accusés davoir cherché à renverser le régime islamique vont être pendus, dautres pourraient suivre
Tout est bon pour mater la révolte. Les autorités judiciaires iraniennes ont annoncé mardi 2 février que neuf opposants allaient être « exécutés prochainement », neuf opposants « contre-révolutionnaires », selon elles, accusés davoir cherché à renverser le régime islamique.
Jeudi dernier, deux jeunes ont déjà été pendus. Mais contrairement à ce que prétend la justice iranienne, ils ont été arrêtés avant les manifestations anti gouvernementales des derniers mois. Ils étaient accusés dêtre des « mohareb », « ennemis de Dieu » et dappartenir à un groupe monarchiste.
« Cest faux, ils navaient aucun lien avec ce mouvement », déclare Reza Moïni de Reporters sans frontière. Selon lui, deux « net-citoyens » (animateurs de sites Internet sur les droits de lHomme), Mehrdad Rahimi et Kouhyar Goudarzi, sont également accusés par la justice iranienne davoir voulu mener « une guerre contre Dieu ». Ils risquent eux aussi la peine capitale.
Plusieurs journalistes arrêtés à Téhéran
« Les exécutions ont toujours été un moyen dintimidation utilisé en Iran contre la population », poursuit Reza Moïni qui rappelle celles collectives daoût 1979, contre les Kurdes iraniens, celles des années 1980, pendant la guerre Iran-Irak, et en 1988, lorsque le régime organisa lexécution de 30 000 prisonniers politiques, pour la plupart membres de lorganisation des Moudjahidins du peuple. « Le régime entend ainsi mater par la terreur, la révolte déclenchée par lélection truquée du président Mahmoud Ahmadinejad, en juin 2009 », souligne Reza Moïni.
Et les exécutions pourraient se multiplier, dautant que lopposition a appelé le 11 février prochain à une grande manifestation à loccasion du 31e anniversaire de la République islamique. « Le pouvoir veut dissuader les opposants de descendre dans la rue », ajoute Reza Moïni. Les journalistes sont aussi les cibles de la répression qui sabat en Iran.
Selon des informations recueillies par Reporters sans frontières, plusieurs dentre eux arrêtés à Téhéran, sont entre les mains des Gardiens de la révolution et sont emprisonnés dans le dortoir 240 de la prison dEvine. Ils subissent dimportantes pressions pour passer aux aveux. Contrairement aux dispositions prévues par la loi iranienne, leurs noms ne figurent pas dans les registres officiels de la prison, ni sur le site du ministère de la Justice.
«La dictature au nom de la religion est la pire des dictatures»
Que peuvent les deux figures politiques de la contestation, Mir Hossein Moussavi et Medhi Karoubi ? « Ils ont tenté la réconciliation, explique Reza Mouini, Karoubi a même accepté publiquement de reconnaître la légitimité du président, mais cela ne change rien ». Tous les deux ont appelé à la poursuite des manifestations pacifiques.
Et dans un texte publié dimanche 31 janvier sur son site Internet Kaleme.org, Mir Hossein Moussavi sen prend au régime : « Museler les médias, remplir les prisons et tuer brutalement des gens qui demandent pacifiquement le respect de leurs droits dans la rue montrent que les racines de la tyrannie et de la dictature de lépoque de la monarchie (du Shah) existent toujours. »
Et dexpliquer quau début, la majorité de la population était convaincue que la révolution allait supprimer toutes les structures qui mènent au totalitarisme et à la dictature. « Jétais de ceux-là, mais aujourdhui, je ne le pense plus. Je ne crois pas que la révolution a atteint ses objectifs », admet pour la première fois celui qui a dirigé le gouvernement pendant la guerre contre lIrak (1980-1988) et qui fut un proche de layatollah Khomeyni, fondateur de la Révolution islamique. Il conclut : « La dictature au nom de la religion est la pire des dictatures ».
02/02/2010