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Iran: La fuite en avant d’un régime affaiblie au sommet et à la base, par Frédéric Pons

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ImageValeures Actuelles: -Malgré la violence de la répression, la contestation continue, sur fond de surenchère nucléaire. Ce 11 février devait marquer un tournant pour un régime affaibli.

Le jeu de l’Iran est le même depuis cinq ans. Il alterne un souffle chaud pour rassurer la communauté internationale sur ses intentions, puis glacial pour la déstabiliser et tenter de la fracturer. Il lance à intervalles réguliers des provocations verbales qui suscitent la réprobation internationale, ce qui vient légitimer le blocage du régime et l’autorise à lancer une nouvelle opération de mobilisation de son opinion sur des thèmes nationalistes.

Il poursuit, toujours, son objectif stratégique : arriver à maîtriser, de façon autonome, l’ensemble du processus nucléaire. Il nourrit ainsi la très forte suspicion internationale sur son intention de se doter, dans les meilleurs délais, de sa première bombe nucléaire.

Une nouvelle fois, les dirigeants iraniens viennent d’envoyer des signaux contradictoires. Ils ne dupent personne mais ils peuvent donner un argument à la Chine, l’un de leurs rares soutiens, pour convaincre l’Onu de temporiser, une nouvelle fois, sur la question des sanctions. Après avoir annoncé n’avoir « aucun problème » sur une ancienne proposition du groupe des Six (les cinq permanents du Conseil de sécurité de l’Onu et l’Allemagne) de faire enrichir l’uranium iranien à l’étranger, le président Mahmoud Ahmadinejad a opéré une nouvelle volte-face, comme il l’a déjà fait tant de fois dans le passé.

La contestation dépasse maintenant les frontières de Téhéran

L’accord négocié à Vienne le 21 octobre 2009, sous l’égide de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), prévoyait que 70 % du stock d’uranium iranien (1 200 kilos) devait être enrichi à 20 % en Russie puis en France, selon un procédé qui devait le rendre impropre à toute utilisation militaire ultérieure. Le régime iranien a vu le risque. Le 7 février, Ahmadinejad ordonnait à ses ingénieurs, à la télévision, le lancement de la chaîne de production d’uranium hautement enrichi à 20 %, préalable d’une chaîne pouvant conduire à la fabrication d’une bombe. Jusque-là, l’Iran n’était jamais allé au-delà d’un enrichissement à 3,5 % sur son territoire. « C’est un viol délibéré des résolutions de l’Onu votées depuis 2006 », ont aussitôt traduit Londres, Washington et Paris, prêts à une nouvelle série de sanctions.

Le régime iranien n’est pourtant plus dans la même posture que naguère, affaibli par la poursuite de la vague de contestation interne. C’est la grande différence avec les années précédentes, quand la République islamique “aveuglait” les inspecteurs de l’AIEA et pou­vait “balader” les négociateurs européens et américains, de négociations en réunions aussi longues qu’inutiles.

Sans vouloir le reconnaître, le régime iranien se trouve affaibli et en partie délégitimé par les huit mois de contestation. Le mouvement étudiant et urbain lancé pour dénoncer les fraudes électorales de la présidentielle de juin 2009 a bien évolué. Même s’il manque encore de chefs incontestables, il s’est transformé en révolution populaire. La contestation dé­passe maintenant les frontières de Téhéran et des grandes villes universitaires, malgré la violence de la répression menée par les gardiens de la ré­volution, la garde prétorienne du ré­gime, et les bassidjis, ces miliciens à tout faire qui suppléent les forces de police.

La violence policière, les milliers d’arrestations, les brimades et les disparitions, les procès de masse et les premières pendaisons d’opposants n’ont pas réussi à enrayer le mouvement. Au contraire. Il a même gagné certaines campagnes, le monde des commerçants et, selon toute vraisemblance, une partie de l’administration du pays. L’ampleur de la répression a touché tellement de monde que chacun a maintenant un parent ou un ami concerné.

Plus grave pour le régime : le front religieux s’est lui aussi fissuré. Une majorité d’ayatollahs et de mollahs s’opposerait à la ligne dure incarnée par le guide suprême, Ali Khamenei, clé de voûte de la théocratie iranienne, et par le président de la République islami­que, Mahmoud Ahmadinejad, si mal élu. D’éminents religieux ont élevé la voix pour réclamer un peu de souplesse et sauver ce qui peut encore l’être. Déjà contesté par ses pairs pour son manque de légitimité religieuse, no­tamment par la famille et les amis de l’ayatollah Khomeiny, Ali Khamenei a tenté de colmater son pouvoir en s’appuyant sur les gardiens de la révolution. État dans l’État, ce corps d’élite a tout à perdre dans cette révolution. Il sera le dernier rempart de la République islamique.

Favorisés depuis toujours par le système religieux, les gardiens de la révolution disposent d’une puissance financière et militaire sans équivalent en Iran. Bien entraînés, bien commandés, les pasdarans contrôlent un arsenal moderne et le meilleur réseau de télécommunications. Ils gèrent aussi les grandes entreprises, la plus grande partie de l’économie et des exportations. Ils verrouillent toutes les activités nucléaires. Ils ont été les premiers touchés par les quatre séries de sanctions internationales décidées par les Nations unies.

Affaibli par cette quarantaine internationale, le ré­gime a su s’organiser, grâce à ses réseaux com­merciaux toujours très actifs dans le Golfe et avec l’appui de ses derniers alliés aux Nations unies : la Chine, toujours en pointe, la Russie, un peu en retrait, et quelques pays émergents (comme le Brésil) qui pourraient tenter de monnayer leur soutien à la politique de sanctions. Ce front hétéroclite s’oppose aux nou-velles mesures coercitives réclamées par l’Union européenne (la France en est le pays leader) et par les États-Unis, où la doctrine Obama de “la main ten­due”, en vigueur pendant sa pre­mière année de mandat, vient d’être enterrée.

Jusque-là, l’Occident pouvait hésiter car les sanctions semblaient affecter en priorité la population iranienne, déjà soumise à beaucoup de privations (comme l’essence). Des renseignements en provenance de l’intérieur indiqueraient que les partisans du changement soutiennent maintenant cette politique, pour accélérer la chute du régime.

Ces réseaux d’information, en partie contrôlés par la résistance iranienne (OMPI, lire ci-dessous), sont à prendre au sérieux. Ils sont à l’origine des premières révélations, en 2002, sur les projets nucléaires clandestins du ré-gime, à partir des installations de Natanz et d’Arak, ce que le monde ignorait. L’opposition dénonce ce programme nucléaire à travers la mise en garde du “ministre des Affaires étrangères” de la Résistance en exil, dans une interview au quotidien Al-Ahram : « C’est une arme au service du régime pour rester au pouvoir. Puisqu’il n’a aucun soutien du peuple, il doit pouvoir compter sur une arme nucléaire pour faire progresser son ingérence et en même temps résister aux pressions internationales. »

suite: http://www.valeursactuelles.com/actualit%C3%A9s/monde/iran-fuite-en-avant.html

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