
Avec AFP et Reuters – le régime iranien et les puissances du P5+1 sont proches d’un accord sur un texte de deux ou trois pages, mais l’issue est encore incertaine et la prudence de mise à Lausanne où les négociateurs se sont donné jusqu’à mardi prochain pour conclure.
Les discussions entre Téhéran et les pays du P5+1 (France, Etats-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni et Allemagne) se portent sur un accord-cadre en attendant un accord définitif sur le programme nucléaire iranien prévu d’ici le 30 juin.
Les négociations sont « difficiles », ont reconnu vendredi après-midi le chef de la diplomatie iranienne et des diplomates occidentaux, à quatre jours de la date fixée pour arriver à un accord.
« Je suis venu avec le souhait d’avancer vers un accord robuste », a déclaré le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, à son arrivée à Lausanne samedi matin, où il a rejoint ses homologues américain John Kerry et iranien Mohammad Javad Zarif.
Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a également gagné Lausanne samedi. Les ministres britannique Philip Hammond et russe Sergueï Lavrov sont attendus dans le courant du week-end, de même qu’un représentant chinois.
« L’Iran a tout à fait le droit au nucléaire civil mais en ce qui concerne la bombe atomique, c’est non », a ajouté Laurent Fabius. « Les discussions ont été longues et difficiles. On a avancé sur certain points, sur d’autres pas encore suffisamment », a-t-il poursuivi.
D’après des responsables occidentaux et iraniens, les discussions autour de ce projet d’accord en deux/trois pages ne sont pas encore terminées et des points clés font toujours l’objet de dures négociations, mais ces mêmes sources assuraient vendredi soir que les négociateurs se rapprochaient d’un accord.
« Pour l’instant les iraniens ne bougent pas »
« L’issue est incertaine, c’est clair », a déclaré un diplomate occidental. « Si les Iraniens ne bougent pas, ça me paraît assez difficile, et pour l’instant ils ne bougent pas beaucoup. Le deal est tout à fait possible, mais ça suppose des choix très douloureux dans les trois jours qui viennent », a-t-il ajouté.
Cependant, l’annonce d’un démenti iranien de ces discussions sur un texte par la voix d’un de ses négociateurs, Majid Takht Ravanchi, cité par l’agence de presse Irna, a été rejetée par un diplomate occidental qui s’est inscrit en faux contre les propos « erronés » du diplomate iranien qui, selon lui, sont uniquement destinés à l’opinion publique iranienne.
On ne sait pas si le texte en négociation sera formellement signé ou fera l’objet d’un accord verbal. Au cours des quelques dix-huit mois de négociations écoulés depuis la conclusion d’un accord intermédiaire, en novembre 2013 à Genève, l’Iran s’est opposé à l’idée d’un texte écrit. Téhéran craint qu’une signature ne limite sa marge de négociation dans la mise au point des détails techniques dans les mois qui vont suivre.
Même s’il y a accord sur deux ou trois pages, il n’est pas sûr qu’il y ait accord sur les négociations techniques qui suivront d’ici au 30 juin, indique-t-on.
Plusieurs points de litige
Le contenu de l’accord actuel devrait porter sur le nombre maximum et le type de centrifugeuses d’enrichissement de l’uranium que l’Iran sera autorisé à détenir ainsi que le volume des stocks d’uranium qu’il pourra conserver, le type de recherche et développement (R&D) sur l’atome qu’il pourra entreprendre et les étapes concernant la levée des sanctions qui pèsent sur l’économie iranienne.
« Le paquet enrichissement et R&D n’est pas réglé », a dit un diplomate occidental.
Un des chiffres clés devrait être la durée de l’accord, dix ans minimum a priori.
L’important est le mécanisme de contrôle et de surveillance
A l’expiration de ce délai, il devrait y avoir une période de surveillance particulière du programme nucléaire de Téhéran.
« Ce qui est très important, c’est le contenu même des engagements qui doivent être pris et aussi, j’insiste, la transparence, les mécanismes et le contrôle pour qu’on soit sûr que les engagements pris soient respectés », a déclaré Laurent Fabius.
Le président Barack Obama et la chancelière allemande Angela Merkel ont appelé vendredi l’Iran à prendre les « décisions nécessaires (…) afin de « résoudre les problèmes qui demeurent ».
Le président du régime iranien, Hassan Rohani avait lancé jeudi une offensive diplomatique exceptionnelle auprès des dirigeants des grandes puissances pour pousser à la conclusion d’un accord, tout en réitérant l’une des exigences incontournables de son pays: « l’annulation totale des sanctions » américaines, européennes et surtout onusiennes, auxquelles est soumis l’Iran depuis 2006.
L’Iran demande la levée de toutes les sanctions internationales alors que pour les pays occidentaux cette levée ne peut être que graduelle.
La coopération de l’Iran avec l’AIEA est au point mort
L’absence de collaboration de l’Iran avec l’AIEA compliquent encore plus les choses. Le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano, avait insisté la semaine dernière « L’Iran n’a pas donné les informations ou les accès nécessaires pour apaiser les craintes de l’agence sur le potentiel de production d’armes nucléaire dans ce pays. ».
Le directeur général de l’AIEA avait déclaré dans une interview à Washington Post : « Sur une douzaine de questions sur les possibles dimensions militaires des activités nucléaires menées en Iran dans le passé, l’Iran a seulement répondu à une seule question. »
« L’Iran n’a fourni que des informations ‘très limité’ sur deux autres de ces questions, tandis que les autres questions sont complètement restées sans réponse. »
Le représentant permanent de la France auprès des Nations unies et président du Conseil de sécurité M. François Delattre avait souligné le 24 mars à New York : « Le dernier rapport du directeur général de l’AIEA sur la mise en œuvre des garanties en Iran précise que, concernant les possibles dimensions militaires du programme nucléaire iranien, la coopération avec l’Iran est au point mort, et n’a d’ailleurs pas connu de progrès depuis le mois d’août 2014. Le directeur de l’AIEA l’a confirmé hier à Washington. »
« Ainsi, l’Iran n’a pas proposé de nouvelles mesures pratiques, et concernant les mesures existantes agrées dans le cadre de la coopération en mai 2014, l’Iran n’a fourni aucune explication concernant l’amorçage d’explosifs de haute intensité et les codes de calculs neutroniques. Cette situation est préoccupante. » avait-il ajouté
« Tout le monde veut (cet accord). Mais il ne s’agit pas d’un jeu, nous n’allons pas terminer cette histoire avec un vague accord qui s’écroulerait dès que nous aurions le dos tourné », souligne une source occidentale, rappelant que des paramètres aussi précis que possible doivent être établis sur les points clés au cœur de la négociation: enrichissement d’uranium, durée d’un accord, levée des sanctions…
La communauté internationale veut s’assurer que l’Iran ne se dotera jamais de la bombe atomique, en ayant la possibilité de contrôler étroitement son programme nucléaire, en échange d’une levée des sanctions qui asphyxient ce pays.
Téhéran insiste également pour pouvoir faire de la recherche et du développement notamment afin d’utiliser à terme des centrifugeuses plus modernes et plus puissantes pour enrichir l’uranium. Mais les pays occidentaux ainsi qu’Israël estiment que le développement à terme de centrifugeuses plus modernes et plus puissantes permettra à l’Iran de réduire le « breakout », le temps nécessaire pour avoir suffisamment d’uranium enrichi pour fabriquer une bombe atomique.