Par : Alejo Vidal Quadras
EURACTIV – La réélection du président iranien Hassan Rohani aura-t-elle une conséquence sur l’accord nucléaire (Joint Comprehensive Plan of Action ou JCPOA) conclu le 14 juillet 2015 entre l’Iran et la communauté internationale ?
Alejo Vidal Quadras, ancien vice-président du Parlement européen, est professeur de physique nucléaire et président du Comité international pour la Recherche de la Justice (ISJ), une ONG basée à Bruxelles. Il est co-auteur d’un ouvrage collectif « Où va l’Iran ? » aux éditions Autrement.
Cet accord avait gelé le programme nucléaire controversé de l’Iran et levé des sanctions internationales qui pesaient sur ce pays. Les grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) voulaient s’assurer que l’Iran ne pourrait pas fabriquer de bombe atomique pour la prochaine décennie.
Le récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), sensé veiller sur l’application de cet accord peut plaider en faveur d’une évolution positive. En effet, l’AIEA atteste que Téhéran n’a pas enrichi d’uranium à des degrés interdits ni constitué des stocks illégaux d’uranium faiblement enrichi ou d’eau lourde. L’Agence observe aussi que la République islamique n’a pas poursuivi la construction de son réacteur à eau lourde d’Arak. Ces constats permettent donc de continuer la mise en œuvre de l’accord, entré en vigueur en janvier 2016.
Toutefois, la conjoncture internationale et l’installation d’un président à la Maison-Blanche décidé à serrer la vis dans ce domaine risque de donner du fil à retordre au président Hassan Rohani, ce conservateur pragmatique réélu en mai dernier. Il aura du mal à tenir sa promesse de campagne d’obtenir une levée des sanctions américaines non liées au nucléaire. Lors de son récent déplacement à Riyad, le président américain, qui s’adressait au monde musulman, a bien démontré que les États-Unis considèrent de nouveau l’Iran comme la première cause de conflits au Moyen-Orient. Les pays de la région et leur allié américain sont très préoccupés par les ingérences iraniennes en Syrie, en Irak, au Yémen ou à Bahreïn, et par le zèle des gardiens de la révolution et de leurs milices extrémistes chiites.
L’élection présidentielle iranienne n’y changera rien. Les États occidentaux n’attendent plus grand-chose de ces scrutins ni du jeu de chaises musicales entre les mollahs « modérés » et « conservateurs ». On sait aujourd’hui, par expérience, que le président ne pèse pas lourd face à un Guide religieux qui prend, seul, les décisions stratégiques. Avec la reconduction d’Hassan Rohani, les dividendes de l’accord resteront toujours maigres. Les pays occidentaux restèrent sceptiques, durant le premier mandat d’Hassan Rohani, car l’essentiel des attentes des interlocuteurs de ce pays n’a pas été exaucé.
D’abord le flou continue à subsister sur les intentions militaires de ce programme nucléaire. Un programme composé de deux structures, travaillant en tandem. L’aspect militaire est resté caché derrière un paravent de programme civil mené par l’Organisation de l’Énergie atomique iranienne et en son cœur un organisme des Gardiens de la Révolution (les Pasdaran) chargé des recherches sur la bombe. La dimension militaire du programme est menée par l’Organisation pour la Nouvelle Recherche de la Défense (SPND), un système opaque, dirigé par les Pasdaran, auquel l’AIEA n’a jamais pu avoir accès. Or l’opposition iranienne a révélé fin avril que la SPND continue ses activités et a été délocalisée sur la base militaire de Parchine dans le sud-ouest de Téhéran pour être hors de portée des inspecteurs internationaux. L’information est prise au sérieux par les autorités américaines et les experts, d’autant plus qu’elle provient du Conseil National de la Résistance iranienne (CNRI) qui avait déjà levé le voile sur le programme secret nucléaire en révélant le site d’enrichissement d’uranium de Natanz et le réacteur à eau lourde d’Arak en août 2002.
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