Iran Focus, Londres, 20 mars Certains en Occident sen réjouissent comme sil sagissait dune transformation radicale dans la politique de lIran, mais des sources proches du gouvernement iranien affirment que lannonce inattendue de jeudi dernier comme quoi Téhéran a lintention de mener des pourparlers directs avec les Etats-Unis au sujet de lIrak a pour objectif premier de faire avancer la diplomatie nucléaire du pays.
« Cest un parfait exemple dun vieux proverbe chinois qui dit un lit, deux rêves, les Américains rêvant dun Irak pacifié et les Iraniens rêvant de nucléaire sans être sanctionnés ni bombardés », a déclaré Simon Bailey, expert sur lIran au Gulf Intelligence Monitor basé à Londres.
« Il ne faut pas sattendre dès le début à conclure un marché extraordinaire », a-t-il dit.
Bailey pense que le gouvernement du président Mahmoud Ahmadinejad se trouve dans un bourbier diplomatique sur la question nucléaire après que les Etats-Unis aient réussi à amener le dossier devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Désormais, dit-il, les religieux au pouvoir sont dans une « phase critique » et veulent essayer un certain nombre de tactiques pour se sortir de cet imbroglio et éviter une action militaire ou des sanctions.
« Doù la réponse tardive à loffre américaine pour des discussions sur lIrak », a-t-il expliqué.
A Washington, le porte-parole de la Maison Blanche Scott McClellan a souligné que tous contacts se limiteraient au thème de lIrak. A Téhéran, Manouchehr Mottaki, ministre des Affaires étrangères iranien, a déclaré devant lassemblée de fidèles des prières du vendredi que « la position de la République islamique dIran était claire : le sujet [des négociations »> porte sur lIrak, mais cest la position américaine qui est dualiste ».
« M. Abdul-Aziz Hakim [leader chiite en Irak soutenu par lIran »> nous a vivement conseillé de mener des négociations avec lAmérique au sujet de lIrak, en raison de la situation spéciale dans ce pays », a affirmé Mottaki. « Cest ce que la République islamique dIran va faire et elle va contrer les actes opportunistes de certains groupes en Amérique qui ont déjà commencé. »
Ladministration Bush a déclaré lannée dernière quelle avait lintention de sengager dans des discussions limitées avec lIran sur le maintien de la paix en Irak, lambassadeur américain en Irak Zalmay Khalilzad étant autorisé à parler avec les responsables iraniens. Mais jusquà jeudi, Téhéran avait rejeté toutes les avances.
« Pendant des mois, les Iraniens nont rien dit, et maintenant ils font cette annonce juste au moment où ils risquent une action des Nations Unis », affirme Ahmad Shirkhani, Iranien expatrié et scientifique politique à Londres. « Ceci suggère que Téhéran est en train de tenter détablir un lien entre une aide apportée aux Etats-Unis en Irak et le dossier nucléaire. »
Ladministration Bush se donne du mal pour dire quil ne doit pas y avoir de liens entre les deux sujets. La secrétaire dEtat Condoleezza Rice a déclaré vendredi lors dune visite en Australie que ladministration Bush ne considérerait pas les négociations avec lIran sur lIrak comme « nimporte quelles négociations ». Rice na pas donné de calendrier pour de pourparlers potentiels et a indiqué que seul Khalilzad y participerait.
« Avec ces négociations, les Iraniens ne recherchent aucun résultat à long terme », a déclaré Akbar Khoshnevisse, expert du Golfe Persique basé à Dubaï. « Pour eux, cest leffet immédiat de lannonce des négociations entre les Etats-Unis et lIran qui compte. Selon eux, cela aura un effet significatif sur les membres du Conseil de Sécurité, poussant un peu plus la Russie et la Chine de leur côté et rendant les Européens plus prudents dans leur soutien à une ligne de conduite américaine sévère. Ils pensent tous si les Américains vont mener des négociations avec eux, alors pourquoi se mouiller ? Quel serait lintérêt pour nous ? »
Nader Zamani, journaliste qui a récemment quitté Téhéran, a déclaré dans une interview téléphonique depuis sa résidence temporaire à Istanbul quil y avait un aspect fortement national dans lannonce de Téhéran de négociations avec les USA sur lIrak.
« Lorsque lIran a été renvoyé devant le Conseil de Sécurité, limpact sur le psychisme social des Iraniens a été énorme », affirme Zamani. « On pouvait le sentir dans la rue. Les gens avaient beaucoup moins peur dexprimer leur mécontentement en public. Même les partisans radicaux du régime étaient plus prudents et inquiets de ce qui pourrait se passer. Si le régime annonce quil va discuter avec les Etats-Unis, ces sentiments vont immédiatement se renverser. Les gens vont dire que les Américains seront contents de conclure un marché avec les mollahs si celui-ci sert leurs intérêts. Limpact de lannonce dans le pays est donc très important pour le régime. »
Lannonce de lIran a eu lieu le jour où ladministration Bush a publié sa nouvelle stratégie de sécurité nationale, qui déclare que lIran pourrait être le plus grand défi à la sécurité que les Etats-Unis naient jamais connu. Il accuse également le régime iranien de soutenir le terrorisme, de menacer Israël, de faire entrave à la démocratie en Irak et de réprimer le désir de liberté de la population iranienne.
« Les Américains doivent évaluer leurs options de manière très prudente », a déclaré Khoshnevisse. « Ils doivent être attentifs au risque que quinze mois de manuvres diplomatiques habiles de ladministration Bush pour créer ce consensus international sur lIran pourraient être anéantis par ces discussions directes avec Téhéran. Bien entendu, cest ce que cherche Téhéran. »
Quoiquil arrive dans le futur, les experts saccordent pour dire que la dernière annonce de Téhéran donne raison à ceux en Occident qui ont demandé que plus de pression soit exercée sur la théocratie iranienne afin de la faire réagir.