The Washington Times, 17 avril 2006 De Mark Steyn Joyeuses Pâques. Joyeuse Pâque juive. Mais si vous êtes comme le président de lIran et que vous croyez à larrivée du « douzième imam », votre jour de fête pourrait ne pas être bien loin non plus.
Mahmoud Ahmadinejad, qui se considère comme le porte-parole désigné de l « imam caché » a tenu une conférence de presse cette semaine, sur fond de colombes voltigeant autour dun atome et accompagnées de danseurs vêtus de combinaisons de décontamination mettant en scène des chorégraphies sur le thème de luranium. Cela ressemblait à la finale du film Bollywood « 40 ans, toujours puceau » où les acteurs cabriolent allègrement sur la chanson « This Is The Dawning Of The Age Of Aquarius » (Cest laube de lâge du verseau).
Ainsi, bien quil shabille comme le puceau de 40 ans Steve Carell, le président iranien est en réalité un puceau du nucléaire et il tenait une conférence de presse pour annoncer quil était prêt à changer cela. « LIran, a-t-il dit, a rejoint le groupe de pays détenant la technologie nucléaire », cest-à-dire laube de lâge de langoisse. « Nos ennemis ne peuvent absolument rien y faire », sest-il vanté devant un public approbateur scandant « Mort à lAmérique ! »
La réaction de la communauté internationale a été rapide et féroce. La Maison Blanche a déclaré que lIran « se dirigeait dans la mauvaise direction ». Ceci était peut-être une référence aux danseurs. Le ministère des Affaires Etrangères britannique a affirmé que cela nétait « pas utile ». Cétait peut-être une référence aux colombes autour de latome.
Vous savez ce qui serait amusant de faire si vous êtes, disons, sur un vol entre Chicago et New York et que vous vous ennuyez un peu ? Pourquoi ne pas imiter Mahmoud Ahmadinejad ? Levez vous et criez dune voix forte « Jai une bombe ». Tout de suite après, le policier de service dira aux gens « Tout va bien. Il ny a aucune raison de sinquiéter. Il na pas de bombe ». Puis le deuxième agent dira « Et même sil avait une bombe, il est très peu probable quil lutilise ». Puis vous menacez de tuer les deux Juifs de la rangée 12 et lhôtesse dira « Du calme tout le monde. Ce nest quun discours rhétorique sans danger ». Puis un groupe de passagers de la rangée quatre à la rangée sept vont faire remarquer « Oui, mais cest un comportement tout à fait raisonnable de sa part davoir une bombe étant donné le comportement menaçant des agents et de léquipage ».
Cest ainsi que cela se passe avec les Iraniens. Plus ils disent quils maîtrisent le nucléaire, plus les experts du renseignement américain (oups, jai oublié les guillemets !), plus les « experts » du renseignement américain affirment non, non, cela ne se produira pas avant 10 ans. Plus ils refusent ouvertement dobéir à lAgence Internationale de lEnergie Atomique, plus la communauté internationale les prévient sur un ton comminatoire que sil savérait que lIran refusait dobéir, il y aurait des conséquences très graves.
Mais heureusement, quel que soit le degré de désobéissance des Iraniens, ce nest pas encore assez pour ces conséquences très graves. On ne peut reprocher à M. Ahmadinejad de penser « nos ennemis ne peuvent rien faire ».
Ce nest pas au monde de prouver que les Iraniens sont en train de bluffer. Ce braggadocio est une raison suffisante pour agir. Des pourparlers prolongés avec un régime qui admet ouvertement négocier juste pour rire ne fait que nous nuire un peu plus. Cette perle de phrase du New York Times du 13 juillet résume parfaitement lapproche des Iraniens par rapport aux négociations :
« LIran va reprendre lenrichissement de luranium si lUnion Européenne ne reconnaît pas son droit à le pratiquer, ont déclaré deux négociateurs nucléaires iraniens dans une interview publiée jeudi. »
Pigé ? Si nous ne laissons pas lIran devenir nucléaire, ils deviendront nucléaires. Cette position pourrait bien éprouver même les capacités de détection toutes relatives de John Kerry.
En comparaison, la presse de Téhéran fait preuve dun réalisme que les lecteurs américains ne peuvent quenvier. Il y a quelques mois, le journal Kayhan, détenu par layatollah Khamenei, a publié un éditorial intitulé « Notre immortalité et lincapacité de lOccident » avec lequel il était difficile de ne pas être du même avis : même si lon est daccord avec lidée que des sanctions constituent une réponse suffisante pour les Etats qui menacent de lancer une attaque nucléaire contre ses voisins, Mohammad Jafar Behdad fait remarquer avec justesse que ces sanctions naffecteraient pas vraiment lIran mais nuiraient beaucoup plus aux économies occidentales qui les prennent au sérieux (ce que la France ne fait certainement pas).
Pendant ce temps, le Washington Post publie lopinion de Ronald D. Asmus, qui était sous-secrétaire dEtat adjoint pendant le mandat du président Clinton : « Endiguement de lIran : Accepter Israël au sein de lOTAN ». « Lendiguement » est un mot qui aurait dû mourir avec la Guerre Froide et certainement après le scandale pétrole-contre-nourriture : à part un petit bang pour une grosse quantité dargent, on ne peut pas « endiguer » un Etat. Derrière lillusion de l « endiguement », des événements se produisent et en général en faveur de celui que lon veut endiguer. Mais lidée que la façon d « endiguer » lIran est de faire dIsraël un membre de lOTAN fait passer l « endiguement » de limage obsolète du pantalon rayé au domaine de la démence.
Tous les prophètes de malheur veulent savoir pourquoi nous sommes allés en Irak « sans aucun plan ». Et bien une des raisons est certainement que, pendant une année avant linvasion, lénergie du gouvernement américain était principalement consacrée à faire des claquettes aux Nations Unies, situation absurde qui a culminé avec les ministres des Affaires Etrangères occidentaux se disputant au sujet de lAfrique afin daccaparer lattention du président de la Guinée qui se trouvait être au Conseil de Sécurité cette semaine là mais dont le sorcier lui avait déconseillé de soutenir Washington. Subir tout ceci à nouveau afin dempêcher quelque colosse mondial se trouvant au Conseil de Sécurité cette fois-ci (Haiti ? Les îles Sandwich du Sud ?) de se rallier aux obstructionnistes russo-chinois, montrerait que les Etats-Unis nont pas retenu la leçon.
Bill Clinton, le maître du swing, a prononcé la semaine dernière un discours intéressant concernant la politique étrangère : « Chaque fois que quelquun disait pendant que jétais président Si vous ne faites pas ça, les gens vont penser que vous êtes faibles, je posais la même question et ce pendant huit ans : Pouvons-nous les tuer demain ? Si nous pouvons les tuer demain, alors nous ne sommes pas faibles, mais nous sommes suffisamment sages pour essayer de trouver une alternative ».
Le problème est que demain nest jamais venu, depuis le premier attentat du World Trade Center à celui des tours Khobar aux attentats à la bombe de lambassade africaine et au USS Cole. Mañana nest pas une politique. Les Iraniens sont tout simplement les derniers à comprendre ceci.
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Mark Steyn est rédacteur en chef collaborateur à Hollinger Inc. Publications, éminent chroniqueur nord-américain pour le Telegraph Group britannique, rédacteur en chef nord-américain pour le Spectator et journaliste dagence.