Le Monde – Les membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont entamé samedi un long week-end de travail pour tenter de rapprocher leurs positions sur le projet franco-britannique de résolution de l’Iran, qui selon Moscou doit être profondément modifié.
Les représentants des cinq Etats permanents (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie) se sont retrouvés dès le matin à la mission française, près du siège de l’ONU, avant une réunion à 15 un peu plus tard à la mission britannique. Aucun vote n’était attendu dans l’immédiat, mais de source occidentale, on espérait au moins une clarification des positions avant le dîner sur l’Iran qui doit réunir lundi soir à New York les ministres des affaires étrangères des cinq « grands » et de l’Allemagne.
Le texte, qui enjoint Téhéran de geler son programme d’enrichissement d’uranium, sans toutefois le menacer encore de sanctions, fait depuis mercredi l’objet de négociations entre ses auteurs, soutenus par Washington, et Pékin et Moscou en particulier.
Samedi, le vice-ministre des affaires étrangères russe Sergueï Kisliak a estimé depuis Moscou que le projet « exigeait de grands changements ». « Il est encore tôt pour dire quels changements doivent être apportés pour satisfaire la partie russe », a-t-il ajouté. « Pour le moment, des consultations ont lieu (…) Elles ne font que commencer ». « Les négociations se passent ici à New York, pas à Moscou, et nous verrons bien ce qui va se passer », a rétorqué samedi l’ambassadeur américain à l’ONU John Bolton, avant de rejoindre ses homologues.
« CONSENSUS » SUR LE BUT STRATÉGIQUE
« Il y a des différences, mais le but stratégique, qui est d’empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaire, fait toujours, je crois, l’objet d’un consensus parmi les cinq membres permanents. Nous allons tenter de trouver un moyen d’avoir une résolution contraignante, » a-t-il dit à la presse, ajoutant avoir quelques idées. « J’ai des idées, mais nous voulons voir si les Russes et les Chinois en ont aussi ».
Principal point d’achoppement : le chapitre VII de la Charte de l’ONU, qui au nom de la sécurité internationale permet d’envisager, dans des résolutions ultérieures, des sanctions économiques ou même une intervention militaire. Même si certains comme la France s’opposent au recours à la force, les Occidentaux jugent indispensable la référence à ce chapitre, qui seul permet, selon eux, de rendre la résolution contraignante.
RÉSERVES DE PÉKIN ET MOSCOU
Mais Pékin et Moscou, qui par ailleurs entretiennent des liens commerciaux étroits avec l’Iran, sont réservés sur ce chapitre, utilisé par les Etats-Unis pour justifier l’intervention en Irak.
Pour Pékin, sa mention est inutile car toute résolution du Conseil de sécurité a en soi valeur obligatoire. « Il n’est pas besoin de mentionner le chapitre VII », a répété samedi l’ambassadeur Wang Guangya. « Nous devons trouver un moyen, et le langage pour aplanir les différences ».
Pour Moscou ce chapitre risque même d’avoir sur Téhéran l’effet inverse à celui recherché. L’invoquer pourrait « nuire » à la mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui est de travailler avec l’Iran pour s’assurer du caractère pacifique de son programme nucléaire, a déclaré vendredi l’ambassadeur à l’ONU Vitali Churkin.
Au même moment, l’Iran, dont les activités nucléaires sont soupçonnées de couvrir des visées militaires sous des dehors civils, se montrait imperturbable. « La nation iranienne considère que la technologie nucléaire est son droit », relevait samedi l’éditorial du quotidien conservateur Jomhouri Eslami, au lendemain d’une déclaration du président réaffirmant fermement ses ambitions nucléaires