AFP, 2 août – Le soutien sans faille apporté par les Etats-Unis à l’offensive d’Israël au Liban contre le mouvement chiite Hezbollah pourrait à terme profiter aux intérêts iraniens notamment sur la question controversée du nucléaire, selon des experts.
« Je pense que si les mollahs avaient le droit de boire de l’alcool, ils sableraient le champagne à Téhéran aujourd’hui », a estimé Ted Carpenter, un responsable des questions de défense et de politique étrangère au Cato Institute, un centre de réflexion conservateur de Washington, lors d’un entretien avec l’AFP.
Le nombre élevé de victimes parmi les civils libanais et les critiques qui s’élèvent dans le monde contre une offensive israélienne jugée par beaucoup disproportionnée bénéficient à Téhéran pourtant en butte aux critiques de la communauté internationale, a-t-il dit.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté lundi une résolution donnant à l’Iran jusqu’au 31 août pour suspendre toutes ses activités d’enrichissement d’uranium, faute de quoi il envisagera l’adoption de sanctions pour l’y contraindre.
L’Iran ne renoncera pas à la technologie nucléaire sous la « menace et la force », a répliqué mardi le président iranien Mahmoud Ahmadinejad qui a qualifié la résolution du Conseil de sécurité de « sans valeur ».
Si sanctions il y a, elles devraient de toute façon faire l’objet d’une nouvelle décision du Conseil, alors que la Chine et la Russie ont clairement manifesté leurs réticences pour ce type de mesures ces derniers mois.
Avec le conflit au Liban, « le gouvernement iranien est devenu plus confiant dans sa capacité à résister aux pressions des Etats-Unis et du reste de la communauté internationale, voire à résister à une offensive militaire américaine et, à terme, gagner », a dit M. Carpenter.
Moins pessimiste, Vali Nasr, un responsable du Council on Foreign Relations, un centre d’étude de politique internationale, et auteur d’un livre sur « la renaissance du chiisme », estime quant à lui que le conflit au Liban n’est pas en mesure de nuire drastiquement aux efforts des Nations unies pour contraindre Téhéran à renoncer à son programme d’enrichissement d’uranium. Mais, a-t-il concédé, la situation engendrée au Proche-Orient pourrait tout de même affaiblir la position de l’Occident dans ses futures négociations avec Téhéran.
« Un des objectifs de l’Iran au Liban est de montrer à l’Occident qu’on ne peut pas isoler Téhéran de ce qui se passe dans la région », a expliqué M. Nasr.
« La leçon du Liban est que, quand vous bombardez quelqu’un, vous le rendez réellement plus populaire », a-t-il dit. « Cela pourrait signifier que si on faisait la même chose en Iran, on renforcerait en fait le régime de Téhéran et il n’y a aucune garantie que celui-ci tomberait », a-t-il ajouté.
Selon certains experts, le soutien indéfectible de Washington à Tel Aviv pourrait également raviver les frictions avec des pays alliés comme la France et la Russie, deux membres permanents du Conseil de sécurité, dont le soutien est essentiel dans le cas d’un bras de fer avec Téhéran.
Selon Michael O’Hanlon, expert du Brookings Institution, un centre d’études et de recherche de Washington, Paris et Moscou cherchent une alternative à l’unilatéralisme qu’ils décèlent dans la politique étrangère de Washington. « Si les Etats-Unis continuent d’agir d’une façon que la France et la Russie perçoivent comme unilatéraliste alors elles seront moins enclines à coopérer avec Washington », a-t-il estimé.