The New York Times, Paris, 4 octobre 2006 De ELAINE SCIOLINO LIran a suggéré que la France organise et supervise la production duranium enrichi en Iran, compliquant ainsi les négociations sur son programme nucléaire.
Les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont rejeté cette proposition mardi, avançant quil sagissait dune tactique pour gagner du temps et que lIran était loin davoir répondu à toutes les exigences du Conseil de Sécurité des Nations Unies, soit le gel de toutes les activités denrichissement et de retraitement duranium.
La proposition, faite par Mohammad Saeidi, sous-directeur de lOrganisation de lEnergie atomique dIran, a été présentée comme un signe de flexibilité dans les négociations entre lIran et les six puissances mondiales représentées par lUnion Européenne.
« Nous venons davoir une idée qui sera peut-être une solution : nous proposons que la France crée un consortium pour la production duranium enrichi en Iran », a déclaré Saeidi dans une interview à Téhéran avec France Info Radio diffusée mardi.
Un responsable politique français a affirmé mardi : « Cest totalement exclu. Il ny a rien de solide là-dedans. Ce nest pas la première fois que les Iraniens essaient de diviser la communauté internationale ».
Un autre haut responsable européen qui, comme le premier, sest exprimé sous couvert de lanonymat pour des raisons diplomatiques, a affirmé que la proposition « semblait avoir pour but de détourner lattention ».
Les Etats-Unis, par ailleurs, ont donné à lIran jusquà la fin de la semaine pour dire sil accepte de mettre un terme définitif à lenrichissement duranium ; dans le cas contraire, lIran risque des sanctions. Luranium enrichi peut être utilisé pour produire de lénergie ou des armes. Washington est davis que toute activité denrichissement duranium sur le sol iranien est absolument exclue car elle pourrait permettre à lIran de maîtriser le cycle du combustible nucléaire.
La secrétaire dEtat américaine, Condoleezza Rice, et les ministres des affaires étrangères des cinq autres gouvernements participant aux négociations avec lIran (la Grande-Bretagne, la France, la Russie, la Chine et lAllemagne) ont discuté de léventualité dune réunion vendredi à Londres pour mettre en place une stratégie définissant la suite des événements.
Lors dun meeting avec les ministres des affaires étrangères arabes mardi au Caire, Mme Rice a déclaré à la presse quil ny avait aucun élément nouveau dans la proposition iranienne et que lIran continuait de défier les attentes internationales.
« Les Iraniens avaient lancé cette idée auparavant », a-t-elle ajouté, indiquant que les Etats-Unis rejetteraient toute proposition permettant à lIran denrichir et de retraiter de luranium sur son propre sol. « Il sagit probablement dune technique pour gagner du temps. »
La proposition iranienne, que les négociateurs avaient rejeté dans le passé, survient au moment où lIran durcit sa position dans les négociations entre Ali Larijani, son négociateur nucléaire en chef, et Javier Solana, chef de la politique étrangère de lUnion Européenne.
M. Solana a rapporté ces derniers jours aux six gouvernements que M. Larijani avait rejeté ses appels à la suspension des activités nucléaires, bien que lIran risque des sanctions du Conseil de Sécurité, ont affirmé trois hauts responsables européens.
Au lieu de cela, lors de réunions la semaine dernière à Berlin avec M. Solana, M. Larijani a lancé lidée de la création dun consortium international pour superviser la production duranium enrichi en Iran. Il na pas mentionné la France en tant quacteur central de ce processus, selon les hauts responsables.
Dans ce que la plupart considère comme une tactique visant à gagner du temps, M. Larijani a aussi passé le plus clair de son temps dans ses dernières conversations avec M. Solana à exprimer des griefs historiques contre le reste du monde.
Plus particulièrement, M. Larijani a déclaré à M. Solana que les activités denrichissement actuelles en Iran devaient se poursuivre et que lIran nenvisagerait quune halte temporaire de lexpansion du programme denrichissement duranium, ont ajouté les hauts responsables.
Les six puissances, par lintermédiaire de M. Solana, ont tenté de persuader les Iraniens daccepter une suspension de trois mois de toutes les activités denrichissement duranium dans leur grande usine de Natanz et de la construction de lusine de plutonium à Arak, selon les responsables européens. La conversion duranium, étape antérieure du processus, aurait pu continuer à lusine dIsfahan.
Ces hauts responsables se sont également exprimés sous couvert de lanonymat pour des raisons diplomatiques.
Les gouvernements européens sont également de plus en plus contrariés par lattitude de M. Solana qui présentent les résultats de ses pourparlers de façon trop positive, selon plusieurs responsables européens.
M. Solana reconnaît labsence de progrès sur des questions importantes, affirmant à la presse lundi en Finlande: « La question fondamentale de la suspension na pas été résolue ». Mais il a souvent fait allusion à des « progrès » dans dautres secteurs annexes, comme le lieu et la date de nouvelles négociations avec les six gouvernements.
Mardi, M. Solana semblait ne pas fermer la porte à la nouvelle proposition de lIran, la qualifiant d « intéressante » et ajoutant : « Nous devons lanalyser bien en détails ».
Dans linterview diffusée à la radio, M. Saeidi a proposé que les activités denrichissement duranium de lIran soit contrôlées « de manière tangible » par Eurodif, consortium denrichissement multinational basé en France, et par Areva, géant français de lénergie nucléaire et actionnaire majoritaire dEurodif.
Quatre-vingt-sept pourcent dAreva est détenu par les institutions gouvernementales françaises et la société détient des intérêts importants aux Etats-Unis (1,8 milliards de dollars de bénéfices en Amérique en 2005) quelle ne voudrait pas mettre en péril en se risquant à négocier avec lIran.
Philip Shenon a contribué la rédaction de cet article depuis le Caire.