IranNucléaireLa tentation et les risques des "frappes militaires"

La tentation et les risques des « frappes militaires »

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Le Monde, 21 janvier – Par Laurent Zecchini – La communauté internationale est engagée dans une sorte de poker stratégique avec l’Iran : elle table sur le fait que des sanctions de plus en plus pénalisantes amèneront le régime des mollahs à reconsidérer sa décision de développer son programme nucléaire militaire.

Mais les diplomates et les spécialistes du renseignement savent qu’une telle stratégie peut avoir l’effet inverse, en provoquant un réflexe d' »unité perse » autour d’une direction politique pourtant loin d’être homogène, mais qui aura tendance à s’engager dans une fuite en avant nucléaire. Dans ce cas, aux Etats-Unis et en Israël, les voix ne manqueront pas pour préconiser des frappes militaires afin d’annihiler, fût-ce pour gagner un répit de quelques années, le potentiel nucléaire de l’Iran.

A Washington, la Maison Blanche n’a manifestement pas l’intention de faire siennes les recommandations du rapport Baker-Hamilton s’agissant de l’ouverture d’un dialogue direct avec Damas et Téhéran. Au contraire, l’administration Bush semble se préparer à une confrontation croissante avec l’Iran. En témoignent l’action de l’armée américaine contre des éléments iraniens au Kurdistan irakien et, surtout, la décision de déployer les porte-avions Enterprise et Stennis, avec leurs groupes navals, dans le Golfe, ainsi que des missiles antimissiles Patriot, deux mesures présentées comme un avertissement à Téhéran.

Un risque d’emballement politico-militaire à Washington n’est donc pas à exclure, d’autant que le président George Bush pourrait être tenté d’achever son mandat sur une « victoire » face à la « bombe iranienne », ce qui, vu de la Maison Blanche, aurait l’avantage d’atténuer le fiasco irakien.

A Tel-Aviv, les autorités israéliennes, qui ne cessent d’alerter l’opinion internationale sur le « danger nucléaire iranien », incitent les Etats-Unis à agir, ce qui éviterait à Tsahal d’avoir à le faire, du moins en première ligne. Les experts militaires savent que, quelle que soit l’ampleur de la campagne aérienne (bombardements et missiles de croisière) mise en oeuvre par l’armée américaine pour détruire l’infrastructure nucléaire et balistique iranienne, il est illusoire de croire que celle-ci sera intégralement anéantie.

Il est au contraire plus réaliste d’imaginer que Téhéran conservera la possibilité d’engager des représaillescontre les villes israéliennes avec ses missiles Shahab-3 (d’une portée testée à au moins 1 300 kilomètres, largement suffisante pour atteindre Israël et les intérêts américains dans la région). Cela signifie que le gouvernement doit accepter à l’avance les conséquences politiques d’un nombre indéterminé de victimes parmi la population civile israélienne.

INSTALLATIONS SECRÈTES

Si une telle conséquence est inéluctable, arguent certains experts, Israël doit se préparer à frapper les sites iraniens de manière préventive et le plus tôt possible, puisque, estime-t-on à Tel-Aviv, il est évident que la politique de sanctions n’entraînera aucun changement d’attitude de Téhéran, du moins avant des « frappes militaires ». Faute d’un feu vert de Washington, Tel-Aviv ne s’aventurera pas à violer l’espace aérien irakien, et la route la plus longue, via le sud de la péninsule Arabique, pose la question du ravitaillement en vol des F-15 israéliens. Ce n’est pas un problème techniquement insurmontable, même si un tel objectif représente un tout autre défi que le raid lancé en juin 1981 par 8 F-16 israéliens pour détruire le réacteur nucléaire irakien d’Osirak. Profitant de ses bonnes relations avec la Turquie, Israël pourrait donc être incité à utiliser l’espace aérien turc (qui est ouvert à l’entraînement de ses avions), quitte à provoquer les protestations officielles d’Ankara.

Reste que les militaires israéliens reconnaissent n’avoir qu’une connaissance imparfaite des sites nucléaires iraniens. Ils tiennent pour acquis qu’au-delà des sites répertoriés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Iran dispose d’installations secrètes enterrées. Mais ils n’ont pas d’informations récentes sur le programme Shahab-3, et ne savent pas davantage si les dix-huit missiles BM-25 achetés par l’Iran à la Corée du Nord, en décembre 2005, sont ou non opérationnels.

Enfin, si les conséquences diplomatiques et militaires d’un affrontement armé avec l’Iran sont incalculables, le risque d’un embrasement de toute la région ne peut être exclu, et devrait inciter Tel-Aviv et Washington à la retenue. C’est sur celle-ci que tablent, peut-être à tort, les dirigeants iraniens.

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