Le Monde, 13 septembre – Editorial – Nicolas Sarkozy durcit la politique française envers l’Iran. Le chef de l’Etat s’efforce de convaincre les pays européens, Allemagne en tête, d’adopter des sanctions accrues contre Téhéran, hors du cadre du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a adopté deux volets de sanctions en décembre 2006 et mars 2007. Déjà, le 27 août, dans son premier discours de politique étrangère, il avait donné l’impression que Paris remplaçait le dialogue par la menace, en indiquant que si les Iraniens ne suspendaient pas, comme le réclame la communauté internationale, leurs activités d’enrichissement d’uranium, il ne resterait qu' »une alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran ».
M. Sarkozy semble opérer ainsi un véritable tournant diplomatique. En juin, il avait évoqué l’hypothèse de sanctions accrues et autonomes avec la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice. Et les diplomates ont travaillé activement après sa rencontre avec le président George Bush, en août. Il donne l’impression de s’aligner sur Washington, qui prend déjà des sanctions unilatérales contre Téhéran.
L’Iran fait peur. C’est une réalité – même si Téhéran ne cesse de répéter qu’il n’a pas de programme nucléaire militaire. Il fait peur à ses voisins, Israël ou pays arabes sunnites, et au-delà. Nul ne conteste qu’il faut sanctionner les Iraniens pour leur refus de donner des garanties absolues qu’ils ne cherchent pas à fabriquer la bombe atomique – et actuellement leur refus de suspendre l’enrichissement d’uranium -, et nul ne conteste que la communauté internationale a raison d’agir préventivement plutôt que de découvrir un jour que les mollahs au pouvoir à Téhéran possèdent l’arme nucléaire. Mais le tournant diplomatique de M. Sarkozy pose problème.
D’une part, des sanctions hors ONU risquent de faire voler en éclats un très fragile consensus international. Elles inciteraient la Russie et la Chine, voire certains pays européens, à contester une politique qui pourrait être perçue comme émanant d’un nouvel axe Washington-Londres-Paris. D’autre part, un alignement sur Washington, et plus précisément sur une administration Bush qui, elle aussi, fait parfois peur, et dont la diplomatie est fortement contestée, ternirait l’image de la France auprès de tous ceux qui contestent la vision du monde qui est celle du président américain.
Concernant l’Iran et le dossier nucléaire, personne ne peut prétendre détenir la clé d’une solution idéale, brandir des certitudes ou donner des leçons de diplomatie. Mais une mise au diapason de Paris sur un George Bush décrédibilisé et en fin de règne est une autre affaire. Même sans certitudes sur l’Iran, ce serait une erreur.