AFP, Bruxelles, 17 septembre – Pressée par la France, l’Union européenne s’interroge sur l’adoption éventuelle de nouvelles sanctions hors du cadre de l’ONU contre Téhéran, dont le refus persistant de cesser d’enrichir de l’uranium suscite une inquiétude croissante des Occidentaux.
Depuis fin 2006 et le rejet par Téhéran d’une vaste offre de coopération conditionnée au gel de ses activités d’enrichissement d’uranium, les 27 suivent sur le dossier nucléaire iranien une « double approche » qui consiste à soutenir le processus de sanctions progressives entamé à l’ONU en décembre, tout en laissant la porte ouverte au dialogue avec Téhéran.
Au nom des six grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France, Allemagne), le diplomate en chef de l’UE Javier Solana a ainsi des contacts réguliers avec le principal négociateur nucléaire iranien Ali Larijani.
Mais depuis le discours du président français Nicolas Sarkozy aux ambassadeurs de France fin août, dur pour l’Iran, « il y a eu un tournant français », souligne un responsable européen sous couvert de l’anonymat. « Alors que la priorité avait toujours été de rester au sein de l’ONU, (d’éventuelles sanctions hors ONU) ne sont désormais plus taboues ».
Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a confirmé dimanche haut et fort ce durcissement en soulignant que le monde devait se « préparer au pire », c’est-à-dire à la possibilité d’une « guerre » avec l’Iran, si ce pays persistait dans son refus de suspendre l’enrichissement, suspecté d’alimenter un programme nucléaire militaire.
Il a aussi confirmé que Paris plaidait pour que les 27 prennent des sanctions économiques contre Téhéran en dehors du cadre des Nations Unies, une option qui reflète la crainte que la Russie et la Chine ne s’opposent à un troisième train de sanctions pour faire enfin plier Téhéran.
Mais si les Britanniques sont sur cette ligne depuis longtemps, les autres Européens ne sont pas tous convaincus, et certains pourraient s’alarmer de l' »imprudence diplomatique majeure » que représente l’emploi du mot « guerre » par M. Kouchner, selon un diplomate.
Même si M. Kouchner a affirmé dimanche que l’Allemagne avait elle-même « proposé » des sanctions économiques européennes autonomes, Berlin – dont la chancelière conservatrice Angela Merkel doit gérer une coalition compliquée avec les sociaux-démocrates – « n’est pas décidé », a souligné un diplomate européen.
Un porte-parole du gouvernement allemand a simplement reconnu vendredi que la question se posait de « savoir si l’Europe ne devrait pas prendre une initiative » si une troisième résolution était bloquée à l’ONU.
« D’autres pays comme l’Italie et l’Espagne pourraient aussi être réticents à quitter le cadre onusien » et à rendre plus « atlantiste » une position européenne traditionnellement médiane entre Moscou et Washington, selon ce diplomate.
Les diplomates de l’UE gardent en mémoire la douloureuse fracture de l’Europe en 2003 face à l’intervention américaine en Irak, sans l’aval de l’ONU.
Si ce débat sur des sanctions autonomes n’est pas tranché, le discours le 11 septembre à l’AIEA de l’ambassadeur de l’UE intégrait déjà ce durcissement français: il était inhabituellement sévère à l’égard de Téhéran et moins encourageant pour le travail d’inspections mené par l’AIEA. Le directeur de l’Agence, Mohamed ElBaradei, a quitté la réunion, conscient que les Européens prenaient leurs distances.
Les positions des 27 devraient se préciser dans les prochains jours, avec la conférence générale de l’AIEA qui s’ouvrait ce lundi à Vienne et la préparation de la réunion des Six convoquée par Washington le 21 septembre, pour examiner un projet de nouvelles sanctions onusiennes.