Reuters, 22 octobre – L’effacement brutal d’Ali Larijani, responsable du dossier nucléaire iranien, renforce la main du président radical Mahmoud Ahmadinejad à un moment où le bras de fer de Téhéran avec l’Occident se radicalise.
C’est un proche allié du chef de l’Etat, Saeed Jalili, qui remplace à la tête du conseil de sécurité Larijani, considéré comme pragmatique par des Occidentaux résolus à amener l’Iran à renoncer à ses activités nucléaires sensibles.
Ce changement de négociateur s’ajoute à d’autres, notamment à la tête de la Banque d’Iran et au ministère du Pétrole, qui renforcent Ahmadinejad en prévision des législatives de mars 2008 et de la présidentielle de l’année suivante.
Ces manoeuvres du président ne lui donnent pas pour autant les mains libres, le dernier mot dans les affaires de l’Etat, notamment en matière nucléaire, revenant au guide suprême Ali Khamenei.
Mais l’ayatollah a nécessairement approuvé la nomination de Jalili, et donc tranché en faveur du camp des durs, convaincus que les Etats-Unis sont trop englués en Irak et en Afghanistan pour ouvrir un troisième front militaire.
Washington assure régulièrement vouloir user de toutes les ressources de la diplomatie pour régler le dossier, mais répète avec tout autant de constance qu’une action militaire contre l’Iran n’est pas exclue.
En face, deux analyses s’affrontent: la première veut que l’Iran soit en mesure d’obtenir des avantages insignes par la négociation, l’autre que l’Occident n’ait pas les moyens de ses menaces.
Pour l’universitaire iranien Jamidreza Jalaipour, la seconde a prévalu.
CONFRONTATION DE DEUX LIGNES DURES?
Jalaipour dit ne pas croire qu’Ahmadinejad gère seul le dossier nucléaire. « Cela relève du guide, qui estime qu’il faut que nous résistions aux dirigeants occidentaux. Lorsqu’il décidera de changer sa politique, tout changera, ajoute-t-il.
Le débat sur la gestion du dossier nucléaire au sein de l’élite dirigeante porte sur l’attitude face aux Occidentaux, pas sur l’opportunité de poursuivre un programme nucléaire que ceux-ci soupçonnent d’avoir des fins militaires.
Même Larijani, en dépit de la souplesse tactique dont il semblait faire preuve après deux ans à son poste, maintenait contre vents et marées que l’Iran ne renoncerait jamais à son projet de fabriquer du combustible nucléaire.
Mais « ceux qui veulent négocier » ont été accusés ce mois-ci par Ahmadinejad de faire le jeu des ennemis de l’Iran. La mise à l’écart de Larijani contribue donc au renforcement de la position du chef de l’Etat avant les batailles électorales qui s’annoncent.
Des revers économiques pourraient affaiblir le président d’ici à l’échéance de 2009, alors que de nouvelles sanctions occidentales joueraient en sa faveur, comme sans doute une intervention militaire.
« Toute pression occidentale sur Ahmadinejad contribuera à stabiliser sa position. Des frappes militaires nous pousseraient à le soutenir », confie un ancien responsable proche de Khamenei mais hostile au président.
Or Washington ne semble en rien renoncer à sa fermeté envers Téhéran et le président George Bush a même évoqué la semaine dernière la perspective d’une « troisième guerre mondiale » au cas où l’Iran parviendrait à se doter de la bombe atomique.
« Le dossier nucléaire iranien entre dans une phase dangereuse », estime le commentateur politique iranien Machallah Chamsolvaiezine. « La coexistence de deux lignes dures, celle de la Maison blanche et celle de la présidence iranienne, pourrait mener à la confrontation. »