Reuters, Ryad, 7 novembre – Par Andrew Hammond – Le rapport des services de renseignement américains selon lequel l’Iran a stoppé en 2003 son programme nucléaire militaire prend au dépourvu les alliés arabes de Washington qui craignent un fléchissement des pressions internationales sur Téhéran.
Réunis cette semaine au Qatar, les dirigeants des pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont évité toute réaction publique à la divulgation du rapport américain.
Mais à huis clos, durant leur sommet, ils n’ont pas caché leur crainte de voir la politique étrangère américaine s’infléchir, a estimé Neil Partrick, de l’International Crisis Group, selon lequel la rhétorique de George Bush, qui maintient une ligne dure envers Téhéran, finira tout de même par les rassurer.
« Les pays du CCG attendent une attitude de fermeté de la part des Américains et sont quelque peu déroutés par le fait que les Américains leur aient demandé de réduire leurs relations économiques (avec Téhéran) et de rester fermes, de peur que l’Iran ne maîtrise le nucléaire », a-t-il dit.
« Rien de cela ne modifie les rapports stratégiques fondamentaux noués par le CCG avec les Etats-Unis, pas plus que la perception d’une menace potentielle venant de l’Iran, y compris en Irak », a-t-il ajouté.
Le rapport des services américains du National Intelligence Estimate (NIE), publié lundi, indiquait que l’Iran avait interrompu son programme d’armement nucléaire en 2003 mais que Téhéran continuait à mettre au point des moyens techniques pouvant servir à fabriquer des armes nucléaires.
Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a estimé que le rapport représentait pour lui une victoire sur les Etats-Unis et le directeur général de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) Mohamed ElBaradeï a déclaré que justice était quelque peu rendue à l’Iran.
Les dirigeants arabes du Golfe se reposent traditionnellement sur la présence militaire américaine dans la région pour ce qui est de leur sécurité et ils ne voient pas sans inquiétude le prestige des Etats-Unis s’étioler depuis le début de l’invasion de l’Irak, en mars 2003, pendant que la puissance de l’Iran, elle, ne cesse de grandir.
Les dirigeants arabes doivent faire attention à ne pas s’aliéner leur opinion publique, en raison du soutien d’une bonne partie de la population dans l’ensemble du monde arabe en faveur de l’Iran, du fait de son appui aux organisations islamistes du Hezbollah au Liban et du Hamas dans les territoires palestiniens.
Certains pays dont la population est pour une bonne part chiite craignent des répercussions chez eux en cas d’intervention armée américaine contre l’Iran.
PUISSANCE GRANDISSANTE DE L’IRAN
Pour Rochdi Younsi, analyste chez Eurasia Group, les conclusions des services américains de renseignement ne vont qu’aviver un peu plus le sentiment anti-américain dans la population arabe.
« L’opinion publique au Moyen-Orient a réagi dans l’ensemble par un mélange de soulagement et de colère à la publication du rapport du National Intelligence Estimate », a-t-il dit. « Les pays arabes du Golfe jugent toujours particulièrement suspectes les ambitions de Téhéran ».
L’Arabie saoudite fait d’ores et déjà l’objet de pressions, au sein du CCG, pour assouplir ses positions envers l’Iran, déclarent analystes et diplomates. Le CCG est une alliance politique et économique regroupant l’Arabie saoudite, le Koweït, les Emirats arabes unis, le Qatar, Bahrein et le sultanat d’Oman – tous des alliés des Etats-Unis entretenant des relations avec l’Iran.
Le Qatar a surpris ses voisins en lançant une invitation au président iranien cette semaine au sommet du CCG, organisme fondé en 1981 pour contrer tout expansion de la révolution islamique au-delà des frontières de l’Iran.
« J’ai tenté de comprendre les raisons à l’origine de l’invitation lancée par divers responsables du Golfe à Ahmadinejad, sans parvenir à des conclusions convaincantes », écrivait cette semaine dans le quotidien saoudien Achark al Aoussat l’éditorialiste saoudien Tarik Alhomayed.
Selon Younsi, certains petits Etats du Golfe ont commencé à répondre par des signaux positifs à l’influence grandissante de l’Iran dans la région. « Alors que l’Arabie saoudite aimerait maintenir un bloc uni contre l’Iran, certains petits pays du CCG défendent la nécessité d’apaiser le régime de Téhéran par une multitude de partenariats économiques et un partage de l’influence politique », a-t-il expliqué.
« La puissance de l’Iran dans la région a considérablement grandi et ce pays est désormais tout à fait aimé au sein des populations de divers pays arabes ». Des vents forts sont également attendus sur le Nord-Ouest de la France, avec des pointes de 100 km dans la journée de dimanche.