TEHERAN, 26 juin 2012 (AFP): Par Laurent MAILLARD – Les sanctions pétrolières européennes qui entrent officiellement en vigueur à partir de dimanche, doublées des pressions américaines pour inciter les acheteurs de brut iranien à réduire leurs importations, pèsent déjà lourdement sur l’Iran.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les exportations pétrolières iraniennes ont chuté de 40% ces six derniers mois, à 1,5 million de barils (Mb/j) par jour.
D’après des analystes basés à Téhéran, l’Iran stocke une partie de son brut à bord de pétroliers pour éviter d’être obligé de réduire sa production. Jusqu’à 42 millions de barils sont ainsi stockés, indique l’AIE, qui table sur la poursuite de la baisse des exportations au second semestre.
L’Iran dément en bloc ces informations, annonçant au contraire une hausse de sa production à près de 3,8 Mb/j et des exportations stables à plus de 2,1 Mb/j.
Le ministre iranien du Pétrole, Rostam Ghassemi, a ainsi affirmé mardi que « les exportations (de l’Iran) n’ont pas beaucoup baissé », dans une interview au quotidien Shargh.
L’UE, qui absorbait 20% des exportations iraniennes (600.000 b/j), a décidé en janvier un embargo total au 1er juillet, que la plupart des pays ont déjà mis en oeuvre.
Les « majors » européennes comme Shell ou Total ont arrêté leurs achats. L’Espagne et la Grèce ont cessé leurs importations en avril, et l’Italie, premier importateur européen de brut iranien (180.000 b/j) devrait suivre dans les mois qui viennent.
Les fortes pressions de Washington, menaçant de boycotter les sociétés impliquées dans le commerce du pétrole iranien, ont poussé plusieurs autres clients à réduire leurs achats pour échapper aux sanctions.
Cinquième acheteur de brut iranien, la Turquie qui avait jusqu’à présent refusé d’appliquer les sanctions économiques occidentales a annoncé pour sa part une baisse de 20% des ses importations.
Troc
La situation est variable en Asie, qui absorbe 70% des exportations iraniennes.
L’Inde, deuxième client de l’Iran, a annoncé une réduction de 11% de ses achats en 2012, et la Corée du sud, troisième acheteur, a baissé de 40% ses importations depuis le début de l’année. Le Japon, quatrième client de l’Iran, a baissé de 65% ses achats en avril par rapport à l’année passée.
Seule la Chine, principal partenaire économique de l’Iran et premier acheteur de son pétrole, a augmenté ses importations après une baisse au début de l’année.
Les dirigeants iraniens ont affirmé avoir trouvé des acheteurs de substitution, mais sans dire lesquels.
Les sanctions pétrolières sont venues s’ajouter à un embargo bancaire qui perturbe depuis 18 mois le rapatriement par Téhéran de ses pétrodollars, plus de 100 milliards en 2011.
Pour écouler son brut, l’Iran accepte désormais des paiements en monnaie locale voire sous forme de troc.
Outre des rabais pouvant aller de 10 à 20 dollars par baril, selon un responsable pétrolier européen, Téhéran aurait également proposé des livraisons à paiement différé, notamment au Pakistan.
Il aurait même fait du « port-à-port » en Asie pour écouler des cargaisons, selon des informations circulant dans les milieux pétroliers.
Parallèlement à cet embargo, les assureurs européens –qui contrôlent 90% de l’assurance maritime mondiale– vont cesser le 1er juillet de couvrir les pétroliers transportant du brut iranien, obligeant les pays acheteurs à mettre en place une garantie souveraine pour couvrir les risques d’accidents et marées noires, comme vient de le faire le Japon.
Cette situation est d’autant plus dommageable pour Téhéran que les cours du brut sont tombés en juin à moins de 90 dollars le baril, alors l’Iran tablait sur une hausse au-delà de 150 dollars du fait de l’embargo européen.
« L’accroissement de la production par d’autres pays, Arabie saoudite en tête, a permis d’éviter que la mise en place progressive de l’embargo ne déstabilise les marchés », constate un expert européen à Téhéran.
« Entre la baisse des exportations, les rabais, les paiements en monnaies locales et les difficultés de rapatriement des devises, les sanctions commencent à coûter cher à l’Iran », souligne-t-il.