12 prisonniers victimes de « torture grave », daprès des responsables
Washington Post, Bagdad, 12 décembre Dimanche soir, des responsables américains et irakiens ont rapporté quune fouille menée par le gouvernement irakien dans un centre de détention à Bagdad dirigé par des commandos spéciaux du ministère de lIntérieur avait permis de trouver 13 prisonniers ayant subi des violences suffisamment sérieuses pour nécessiter un traitement médical.
Un responsable irakien détenant des informations de première main sur la perquisition a déclaré quau moins 12 des 13 détenus avaient été victimes de « torture grave », dont des décharges électriques et dautres tortures les ayant laissés avec des os brisés.
« Deux dentre eux mont montré leurs ongles, ils nen avaient plus », a relaté le responsable sous couvert de lanonymat pour des raisons de sécurité.
Un porte-parole du gouvernement, Laith Kubba, a déclaré dimanche soir que toutes découvertes à la prison seraient « soumises à enquête », mais il a refusé de commenter les allégations.
Le site, perquisitionné jeudi, est le deuxième centre de détention du ministère de lIntérieur où des cas dabus de prisonniers ont été confirmés par des responsables américains et irakiens.
Ce sont des soldats américains qui ont découvert le premier site le mois dernier lorsquils ont pénétré dans un bâtiment du ministère de lIntérieur à Bagdad à la recherche dun adolescent arabe sunnite quils croyaient détenu, ont expliqué les officiers au moment des faits. Plusieurs prisonniers de ce site semblaient avoir reçu des coups et beaucoup étaient émaciés, selon les responsables américains et irakiens et des témoins.
Les abus qui auraient eu lieu à la prison découverte cette semaine semblent plus graves encore. Lorsque lon a demandé à lofficiel quels types de torture étaient pratiqués dans la prison des commandos, celui-ci a cité quon leur rompait les os, des tortures avec décharges électriques, arrachement des ongles des mains et brûlures de cigarettes dans le cou et dans le dos.
La loi internationale, dont la Convention des Nations Unies contre la torture, interdit la torture dans tous les cas. Lambassadeur américain Zalmay Khalilzad avait fait une réprimande publique sévère du gouvernement irakien après la découverte le mois dernier de la prison secrète, exigeant dans une déclaration que tous les détenus de la nation soient traités en conformité avec les droits humains.
Le Premier ministre Ibrahim Jafari, sous la demande pressante de Khalilzad et du général de larmée George W. Casey Jr, commandant américain en chef en Irak, a donné lordre dune enquête nationale des centres de détention suite à cette découverte. La prison fouillée jeudi était le premier centre examiné dans le cadre de lenquête ordonnée par le gouvernement.
Le lieutenant-colonel Guy Rudisill, porte-parole pour la question de la détention militaire américaine, a déclaré que les autorités américaines savaient déjà que la prison perquisitionnée jeudi existait. En revanche, les forces américaines ne savaient rien au sujet du premier centre.
Les inspecteurs du ministère des Droits Humains et des représentants dautres ministères ont participé à la fouille de la prison, a expliqué le ministère dans un communiqué. Les autorités nont pas dit si un Américain était impliqué dans lenquête.
Les enquêteurs disent avoir trouvé 625 prisonniers dans ce centre mais refusent de donner des détails à leur sujet. La plupart des détenus retrouvés dans la prison secrète le mois dernier étaient des Arabes sunnites qui ont été arrêtés par les forces principalement musulmanes chiites du ministère de lIntérieur.
« Léquipe a rencontré un certain nombre de problèmes, sur lesquels travaillent les ministères de lIntérieur et des Droits Humains », daprès le communiqué. « Le centre était surpeuplé. En conséquence, le ministère de la Justice a accepté de recevoir 75 détenus dans sa prison de Rusafa ; les juges irakiens ont relaxé 56 prisonniers directement après lenquête Treize des détenus ont été transférés du centre de détention pour recevoir un traitement médical. »
Rudisill dit que les 56 prisonniers ont été libérés sur recommandation des juges irakiens qui ont pris part à lenquête. « Ils ont considéré rapidement leurs cas et se sont aperçus quil ny avait aucune raison de garder ces individus », a-t-il dit.
Les responsables diplomatiques et militaires américains disent que les dirigeants irakiens mènent lenquête et refusent de faire de plus amples commentaires.
La torture faisait partie de la routine dans les prisons irakiennes sous le règne de lancien président Saddam Hussein. Les forces américaines en Irak se sont attirées les critiques internationales pour les abus de la prison dAbu Ghraib, près de Bagdad, où des gardiens militaires se sont photographiés en train dhumilier des détenus irakiens nus. Il ny a aucune suggestion dimplication dAméricains dans les derniers abus des prisons du ministère de lIntérieur. Le gouvernement irakien, mené par des partis chiites ayant des liens étroits avec lIran, a radicalement rejeté les accusations selon lesquelles les services de renseignements iraniens seraient impliqués dans laffaire des prisons du ministère de lIntérieur.
Le ministère irakien de lIntérieur compte un nombre significatif danciens miliciens et de membres du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak, un parti chiite, le plus important au gouvernement.
La minorité sunnite du pays a accusé le ministère de lIntérieur dêtre responsable dabus sévères, et y compris du fait que des escadrons de la mort prennent pour cible des Sunnites. Depuis fin avril où le gouvernement actuel est au pouvoir, les corps dun grand nombre dhommes sunnites ont été retrouvés jetés le long des routes, dans des lits de rivières asséchées et dans des champs. La plupart des hommes ont été retrouvés menottés et tués par balles. Dans plusieurs cas, la famille dit que les hommes ont été emmenés par des hommes en uniforme et dans des voitures du ministère de lIntérieur.
Le gouvernement a déclaré à plusieurs reprises quil enquêtait sur les accusations. Aucune conclusion denquête na été émise.
« Lenquête a été prolongée », Jafari, membre dun autre parti religieux chiite dans la coalition au pouvoir, a déclaré à lagence de presse Reuters dimanche. « Ce nest pas fini. Nous enquêtons sur toutes les violations. Nous ne tolérons aucune violation commise à légard de tout Irakien. »
La semaine dernière, le ministère de lIntérieur a renvoyé son haut responsable des droits humains, Nouri Nouri, sans fournir aucune explication.
Les dirigeants politiques sunnites affirment que des incidents de torture similaires ont lieu dans dautres centres de détention du ministère de lIntérieur et ont nommé certains de ces sites.
Les dirigeants politiques sunnites disent que larmée américaine visite fréquemment les centres et suggèrent que les autorités américaines ne seraient pas au courant des abus.
La semaine dernière, le secrétaire à la Défense, Donald H. Rumsfeld, a ordonné aux commandants militaires de proposer des règles claires sur la façon dont les forces américaines devaient réagir si elles étaient témoins dabus de prisonniers. Cet ordre a suivi une discussion entre Rumsfeld et le général Peter Pace, président des chefs détat-major, lors dune conférence de presse le 29 novembre.
Pace a déclaré quil allait de la « responsabilité absolue de chaque soldat américain, sil était témoin de traitements inhumains, dintervenir pour les faire cesser ».
Rumsfeld a répondu : « Je ne crois que vous vouliez dire quils ont pour obligation de les faire cesser physiquement, mais plutôt de les rapporter ».
Pace a rétorqué : « Sils sont présents physiquement lorsque de tels traitements inhumains ont lieu, Monsieur, ils ont lobligation de tenter de les faire cesser. »
Les responsables américains ont déclaré que le FBI et larmée américaine prêtaient main forte pour lenquête des prisons. Les autorités ont identifié plus de 1000 centres de détention à travers lIrak.