The Los Angeles Times, 29 novembre par Max Boot Nos ennemis nont aucun intérêt à nous sortir daffaire, excepté sils en tirent des concessions majeures.
Pour certains spécialistes en politique étrangère, il nexiste aucun problème insoluble qui ne puisse être réglé par le dialogue, de préférence multilatéral, excepté dans des situations (avec la Corée du Nord, par exemple) où les négociations bilatérales sont préférables pour une raison ou pour une autre. Ainsi, lIrak senfonçant de plus en plus dans lhorreur dune guerre civile, nous entendons des appels répétés à une conférence internationale pour lui venir en aide, sur le modèle de lAccord Taif de 1989 qui a marqué la fin de la guerre civile au Liban (signé de façon commode au moment où lexpert appelé en cas de crise, James A. Baker III, était secrétaire dEtat). Mais cela ne tient pas compte de deux différences fondamentales entre le Liban dalors et lIrak daujourdhui.
Tout dabord, en 1989, toutes les parties au Liban étaient exténuées par 14 années de combat qui avaient coûté la vie à plus de 150 000 personnes. En Irak, au contraire, les massacres ne sont que dans leur phase initiale et rien nindique que la soif de sang des Chiites et des Sunnites va sestomper prochainement.
Deuxièmement, malgré lépuisement des combattants, lAccord de Taif a fonctionné en grande partie parce que les troupes syriennes avaient veillé à lapplication dun cessez-le-feu. Même si nous négocions un tel accord en Irak, qui jouera le rôle du soldat de la paix ? Il est peu probable quun voisin de lIrak se porte volontaire. Aucun dentre eux ne veut être pris entre deux feux. Et la plupart des Irakiens ne veulent pas non plus être occupés par les troupes syriennes ou iraniennes. Le seul candidat plausible restant est larmée américaine qui est déjà sur place.
Même maintenant, quelle réussisse ou non à stopper les violences en Irak dépend largement de la volonté des factions du pays à conclure un accord politique et à le respecter. Ce processus pourrait éventuellement être encouragé par les Etats voisins, mais il pourrait difficilement être imposé par une nation extérieure.
Les combattants dans la guerre civile irakienne sont moins dépendants de soutiens externes que les nombreux anciens groupes de guérilla, tels que le Viêt-Cong ou les Moudjahidine afghans. Un rapport du renseignement américain dévoilé au New York Times indique que les insurgés en Irak ont acquis une autonomie financière, compris entre 70 millions et 200 millions de dollars par an grâce au trafic de pétrole, aux kidnappings et autres escroqueries.
La Syrie et lIran encouragent certainement les violences, en aidant respectivement les extrémistes sunnites et chiites. Mais cela ne veut pas dire quils peuvent mettre un terme au conflit, qui a sa propre logique interne. Et même sils le pouvaient, pourquoi le feraient-ils ?
Les partisans de la solution consistant à coopérer avec lIran et la Syrie avancent que ce nest pas dans leur intérêt que le pays dà côté soit dans le chaos. Contrairement à quoi ? Ils pensent probablement quils sont mieux aujourdhui quils le seraient sils avaient un Irak fort et potentiellement hostile à leurs frontières, en particulier un Irak allié des Etats-Unis. Ils sont heureux de constater que les USA sont saignés à blanc et que lIrak, en tant quacteur régional, est immobilisé.
Avec cette mentalité, nous devrions offrir à la Syrie et à lIran des carottes extrêmement appétissantes pour obtenir leur coopération dans une campagne de sauvetage menée par les USA en Irak. Téhéran demanderait très certainement au moins la garantie que nous ne ferions rien pour amener un changement de régime en Iran ou stopper son programme nucléaire.
Le président syrien, Bashar Assad, quant à lui, demanderait très probablement la fin de lenquête du tribunal international sur le meurtre de lancien Premier ministre libanais Rafik Hariri en 2005, car tout procès mettrait forcément en cause des hauts dirigeants syriens. Naturellement, Assad exigerait également quaucune enquête indépendante ne soit conduite sur lassassinat la semaine dernière du ministre libanais Pierre Gemayel, dans lequel la Syrie est très probablement impliquée. De plus, il demanderait à rétablir lhégémonie de la Syrie sur le Liban, la Syrie qui refuse dadmettre quil sagit dun pays indépendant. Oh, et en dessert, il voudrait bien aussi quIsraël lui rende les Hauteurs du Golan.
Washington peut-il ou devrait-il accepter ces requêtes ? Voulons-nous trahir la révolution démocratique au Liban ? Désirons-nous donner carte blanche au président iranien forcené, Mahmoud Ahmadinejad, pour fabriquer des armes nucléaires ? Et tout ceci en échange de promesses douteuses qui ne feraient certainement aucune différence en Irak ?
Cest difficile à croire, mais les personnes en faveur de négociations dans de telles circonstances sont réputées « réalistes ». Un vrai réaliste se rendrait compte que la Syrie et lIran accèdent aux demandes des Etats-Unis uniquement sils ont peur de nous. LIran a joué un rôle constructif en Afghanistan après la chute des Talibans en 2001 et la Syrie a quitté le Liban en 2005 sous une pression intense. De plus, nous négocierions dans une position de faiblesse, non de force.
Notre défaite est imminente en Irak. Nos ennemis nont aucun intérêt à nous sortir daffaire, à moins que son coût en soit prohibitif.