Libération, 4 mai Par Christophe Ayad La conférence internationale sur l’Irak, qui s’est ouverte hier à Charm el-Cheikh en Egypte, s’est transformée en sommet autour de l’Iran, même si Bagdad a obtenu des promesses de réduction de sa dette de 30 milliards de dollars. La République islamique chiite est au centre des attentions pour son influence en Irak, tant auprès du gouvernement de Nouri al-Maliki que des milices chiites, à commencer par l’Armée du Mehdi de l’imam radical Moqtada al-Sadr. Une influence qui s’étend au Proche-Orient, notamment à travers le Hezbollah chiite libanais. En toile de fond évidemment, le programme nucléaire iranien.
PREMIERE. En attendant une rencontre entre la chef de la diplomatie américaine Condoleezza Rice et son homologue iranien Manouchehr Mottaki ils se sont rapidement serré la main , ce qui constituerait une première entre les deux pays, c’est la ministre britannique des Affaires étrangères, Margaret Beckett, qui a ouvert le bal persan. C’était le premier contact de ce niveau entre l’Iran et la Grande-Bretagne depuis février 2006. Le premier surtout depuis la crise aiguë provoquée par l’arrestation fin mars de quinze marins britanniques dans le Chatt al-Arab, le fleuve qui sépare l’Iran de l’Irak, avant de se jeter dans le golfe Persique. «Nous allons leur dire que ce n’est pas quelque chose que nous avons oublié», a précisé un diplomate britannique sous couvert d’anonymat. Selon ce dernier, la rencontre devait aussi porter sur les armes exportées par des «éléments de l’intérieur de l’Iran» pour viser les soldats britanniques dans le sud de l’Irak. Bien que ces attaques soient en diminution depuis deux mois, c’est une allusion claire aux Pasdarans, l’armée idéologique du régime iranien proche du président radical Mahmoud Ahmadinejad.
TEMPS FORT. Pas un mot en revanche sur le nucléaire iranien, dont il est plus que probable qu’il a été question. Ni Londres ni Washington ne veulent donner l’impression qu’un quelconque marchandage est d’actualité au moment où une troisième vague de sanctions contre Téhéran est à l’étude aux Nations unies, sur initiative des pays occidentaux. Ahmadinejad non plus ne veut pas donner l’impression de négocier : il a réaffirmé hier que son pays continuerait à enrichir de l’uranium malgré les sanctions.
Autre temps fort de la journée, le tête-à-tête entre Rice et son homologue syrien, Walid Mouallem. La Syrie, principal allié de l’Iran dans la région, coparraine avec Téhéran le Hezbollah, qui a tenu tête à Israël l’été dernier. Ce genre de rencontre n’était plus arrivé depuis janvier 2005, peu avant l’assassinat de Rafic Hariri. Officiellement, l’entretien a porté sur les demandes américaines à Damas d’empêcher les jihadistes étrangers d’entrer en Irak via la Syrie. Difficile d’imaginer que n’ont pas été évoquées les autres pommes de discorde : le Liban, le Hezbollah et le tribunal international sur le meurtre de Hariri. Vue de Washington, cette rencontre est un tournant allant dans le sens des recommandations du rapport Baker-Hamilton. Il y a un mois, George W. Bush reprochait à la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, de s’être rendue à Damas. Sans le dire, il fait la même chose.