IranDroits de l'hommeL’ombre du massacre de 1988 surgit en Iran

L’ombre du massacre de 1988 surgit en Iran

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Par Jean-Pierre Michel*
La candidature et l’échec du candidat malheureux de la présidentielle du 19 mai en Iran, Ebrahim Raïssi, a fait ressurgir au grand jour l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire contemporaine de ce pays.

Raïssi qui s’est présenté contre le président sortant Hassan Rohani, et a perdu, n’est pas n’importe qui, il est un ancien membre de la sinistre « commission de la mort » chargée en 1988 de l’élimination des prisonniers politiques dans les prisons iraniennes. Une tragédie humaine classée par Amnesty International comme « un crime contre l’humanité resté impuni », alors que la FIDH a déploré l’attitude des autorités qui ont « systématiquement refusé de communiquer aux familles l’emplacement de la dépouille de leurs proches ».

Ce caïd enturbanné était le favori du Guide suprême qui domine la vie politique et économique en Iran. La candidature de Raïssi a été perçue par plusieurs comme une maladresse politique contribuant à briser un tabou farouchement préservé par les mollahs depuis 29 ans. Les étudiants et les militants ont profité du contexte électoral pour demander des comptes aux autorités sur leurs rôles dans la terrible tuerie dont le spectre continue de hanter les tenants du pouvoir islamiste. Rohani qui est reconduit pour un deuxième mandat n’est pas épargné par cette épisode sanglante de la « République islamique », son ministre de la justice Mostafa Pour-Mohammadi siégeait aux côté de Raïssi dans ce « comité de la mort » ordonné par Khomeiny.

En été 1988, afin d’intimider une population excédée et pour couper court à toute velléité de revendications sociales et politiques, le fondateur de la République islamique a eu recours à « la solution finale». Quelques 30 000 prisonniers politiques, pour la plupart des sympathisants du mouvement des Moudjahidine du Peuple, ont été pendus sur une fatwa de l’ayatollah Khomeiny. Les autres prisonniers, de gauche, n’ont pas été épargnés. Des détenus qui purgeaient des peines de prison, pour la plupart des étudiants, ont été rejugés de façon expéditive et condamnés à mort pour « corruption sur terre » et « guerre contre Dieu ».

Cet épisode sanglant de l’histoire contemporaine, les Iraniens ne l’ont pas oublié. La mémoire collective reste traumatisée et les familles demandent des comptes.

Mais c’est la première fois que ce sujet hautement sensible a été abordé en public par les responsables du régime, contraints de se justifier. Ainsi, le 16 mai, alors qu’il présentait Ebrahim Raïssi pour un discours électoral à Téhéran, le mollah Moussavi, un proche du candidat radical, a déclaré : « La fierté de ce grand homme est d’avoir exécuté les membres des Monafeghine (terme péjoratif désignant les Moudjahidine du peuple) ».

Porté par la formidable force de communication que représentent les réseaux sociaux, la capacité de mobilisation de la population a fait peur aux mollahs. Une réédition de la révolte populaire de 2009, survenu au lendemain de la réélection truquée de Mahmoud Ahmadinejad, est la hantise existentielle du Guide suprême Ali Khamenei.

Le peuple iranien va maintenant réclamer à Rohani de tenir ses timides promesses. A défaut le les Iraniens ne vont pas s’arrêter à réclamer leurs droits à la justice. Dans ce contexte, le rôle des démocrates est de soutenir la quête toujours vivace des Iraniens pour la liberté et l’appel à la justice des familles des victimes de l’infâme crime de 1988.

Le 1er juillet prochain sera justement une occasion de l’affirmer haut et fort lors du Grand rassemblement en soutien à la Résistance iranienne qui se tiendra en France au Parc des Expositions à Villepinte. Une résistance iranienne qui se pose en alternative et porte de plus en plus solidement, le projet d’un changement de régime, pour que naisse une véritable démocratie en Iran.

*Par Jean-Pierre Michel
Parlementaire honoraire, co-fondateur du syndicat de la magistrature et du Comité Français pour un Iran démocratique (CFID)

 

 

 

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