AFP, Montréal, 23 juin – Des internautes iraniens établis au Canada défient la censure sur Internet en Iran et ont tenté en pleine campagne électorale, de forcer les débats de société dans leur pays d’origine, au grand dam des autorités de Téhéran.
« Le Canada est un épicentre pour plusieurs militants sur internet (…) Il y a beaucoup de gens qui oeuvrent à partir d’ici. C’est probablement parce que le Canada a des lois libérales sur ces enjeux », croit Ronald Diebert, directeur du « laboratoire citoyen » de l’université de Toronto.
Pays d’immigration, le Canada compte plus de 110.000 habitants d’origine iranienne sur une population de 32 millions, d’après les statistiques officielles.
Selon l’étude « OpenNet Initiative », que Ronald Diebert a réalisée avec ses collègues de Cambridge et Harvard, l’Iran est avec la Chine l’un des plus grands censeurs de l’internet au monde, bloquant blogs (sites personnels d’information) et sites à contenu politique, sexuel, tout comme ceux évoquant les droits des femmes.
« Le régime à Téhéran considère les blogs comme des journaux, il faut donc s’assujettir aux mêmes normes et parfois à pire. Par conséquent il n’est pas possible de rédiger un blog en Iran à moins d’utiliser un pseudonyme ou de ne pas parler de politique », estime « Hoder », l’un des pères fondateurs des blogues en farsi.
De son vrai nom Hossein Derakhshan, ce militant d’une vingtaine d’années a quitté Téhéran pour s’établir à Toronto en 2000 d’où il a lancé en 2002 un blog au vitriol consacré à l’Iran.
Liberté de la presse, questions de société et, pour l’heure, la campagne présidentielle iranienne passent au crible de ce cyber-militant dont le site internet compte une dizaine de milliers d’abonnés qui reçoivent gratuitement via leur courrier électronique ses chroniques quotidiennes, dit-il.
Au Canada, il jouit d’une liberté d’expression lui permettant de critiquer la scène politique iranienne, un regard qui n’est pas sans indisposer Téhéran qui censure son « blog » et lutte contre les militants sur internet.
Début juin, un internaute iranien de 25 ans établi dans la ville sainte chiite de Qom a par exemple été arrêté et condamné à deux ans de prison pour « insulte du Guide suprême », l’ayatollah Ali Khamenei.
« Cela produit définitivement un changement », estime M. Derakhshan joint via internet par l’AFP. « Les réformistes n’arrêtent pas de dire que les blogs jouent un rôle crucial en faisant la promotion d’idées progressistes et en brisant le monopole du gouvernement sur l’information », ajoute-t-il.
« La plupart des étudiants iraniens qui résident au Canada ont leur propre blog (…) et la majorité d’entre eux écrivent sur la politique », note Morteza Abdolalian, un internaute d’origine iranienne également établi au Canada.
Agé d’une cinquantaine d’années, il a mis en ligne son premier blog en septembre dernier après avoir passé des années à éditer « Iran Watch Canada », un fascicule dressant l’état des lieux sur le statut de la liberté de la presse en Iran.
Il contacte régulièrement ses amis « webloggers » en Iran qui documentent au quotidien les arrestations par les services de sécurité.
« Nous nous aidons les uns les autres », raconte M. Abdolalian qui traduit ces blogs clandestins du farsi à l’anglais afin que le monde entier, dit-il, puisse être au fait de la situation sur le terrain.
Des cyber-militants critiquent l’Iran à partir du Canada
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