Iran Focus, Téhéran, 23 juin – Par Mehdi Akhoundeh – Le paysage politique de lIran à la veille du deuxième tour de la présidentielle présente une image insolite, étrange, et surtout irréelle.
Il est étonnant de voir un des plus hauts dignitaires du régime qui a présidé le Majlis, occupé le poste de proche conseiller du guide en personne, démissionner dun coup de tête de toutes ses fonctions et laisser entendre que le guide suprême aurait truqué le scrutin. Layatollah Karoubi a quand même eu droit à une réponse digne du guide : «Par la force divine, je ne permettrai à personne de semer le trouble dans le pays ».
Tous le monde sait aussi quen Iran quand le ministère de lintérieur annonce 62% de participation cela veut dire quelle a été catastrophique et quune toute petite minorité sest déplacée. Mais personne ne sattendait que les candidats battus déclarent que cinq millions de cartes didentité périmées – c’est-à-dire des morts – ont été utilisés! Il faut donc comprendre quau premier tour, les morts ont également rempli leur devoir civique. Certains nont pas tort de parler de surprise en matière de participation.
On a vu dans cette campagne le chasseur de femmes mal voilées, le général Ghalibaf se raser la barbe et porter un blouson, le maître des purges des universités, Moïne défendre les droits de lhomme, lancien commandant des pasdarans Mehralizadeh offrir des fleurs au peuple iranien dans son spot publicitaire de campagne. On a même vu Ahmadinajd, chef des bandes qui ont attaqué les étudiants en 1999, devenir un citoyen intègre choyé par les pauvres ; en tout cas, ce nest surtout pas lui qui donnait des coups de grâce à la prison dEvine.
Limpromptue du premier tour a été la percée dAhmadinejad. Comme si la force des spots publicitaires, des sourires et de largent, navait pu inciter les électeurs à voter pour leurs bourreaux. Mais cest dun coup de turban magique, que le guide suprême a donné consigne au Bassidj, aux pasdarans et consort de voter pour son candidat préféré. Après tout on est dans lIran des mollahs.
Cependant la plus grande surprise reste la transmutation de lhodjatoleslam Ali Akbar Hachemi Rafsandjani fidèle compagnon de limam, impliqué dans toutes les magouilles et affaires les plus sales et les plus sanglantes de ce quart de siècle en Iran. Il réapparaît soudain en super Hachemi. Sinspirant des scènes de Batman, ce Joker de la politique iranienne est de retour distribuant avec largesse des billets. Des billets pour voter et des promesses dargent pour le peuple, sil est élu. En cas de victoire, « mon gouvernement versera à chaque famille iranienne 100 millions de rials (environ 11.000 dollars) d’actions des entreprises d’Etat qui seront privatisées », a promis le Joker Hachemi dans la nuit de mercredi à jeudi sur la télévision d’Etat dans les toutes dernières heures de la campagne. Sourire aux lèvres, le Joker va jusquà enlever son turban pour faire oublier son rôle de méchant.
Reste à savoir si les Iraniens comme les habitants de Minneapolis se laisseront berner par ce Bouffon ?
Interrogé sur cette question, un professeur duniversité, Ahmad, qui boucle les fins de mois en conduisant un taxi, ma répondu : « On nous dit quil faut voter Hachemi pour barrer la route au « fascisme » et au « Talibanisme ». Pourtant cest bien les fascistes et les intégristes qui règnent depuis plus de 25 ans en Iran à ce que je sache. Tout largent du monde ne mapportera pas la liberté. Alors quils aillent tous au diable ces hypocrites. »