The Observer, 26 novembre par Tracy McVeigh Sourire aux lèvres, le jeune homme sort de la voiture et fanfaronne devant la caméra, mais perd léquilibre, ses mains sont liées derrière le dos et glisse un peu sur la pelouse.
Il se relève et courbe son corps désarticulé en riant, regardant tout le monde comme un adolescent en train de tourner une vidéo avec des amis. Un autre jeune homme le suit, marchant avec raideur. Quelquun habillé dune chemise grise embrasse les deux hommes sur les deux joues avant de sortir du champ de la caméra.
Des dizaines de personnes fourmillent ici. Des barrières ont été prévues pour retenir la foule, mais même les gardes semblent décontractés aux côtés des deux hommes aux mains liées. Deux grues rouillées installées sur des camions à plateau sont garées sur la pelouse. Les cordes qui pendent de chacune delles sont rugueuses, entortillées et le nud coulant à leur extrémité semble avoir été fait par un amateur : on dirait un bout de corde rejeté par la mer sur une plage.
Presque machinalement, quelquun dispose la corde autour du cou du premier jeune, puis du second, séloigne, puis les grues tirent les cordes. Le corps du deuxième homme est immobile et la caméra reste fixée sur le plus grand jusquà ce quil cesse de bouger, environ six minutes plus tard.
Il sagit du film des pendaisons publiques dAlireza Gorji, 23 ans, et de son ami Hossein Makesh, 22 ans, en juillet dernier à Boroudjerd, en Iran. Selon la version officielle, ils ont été condamnés à mort pour comportement « immoral ». En réalité, selon des opposants au gouvernement, ces deux hommes font partie des activistes politiques de plus en plus nombreux à être exécutés en Iran sous de fausses accusations.
« Ces deux hommes ont participé à des manifestations contre le gouvernement dans leur ville natale et chaque personne présente à lexécution le savait », a déclaré un observateur des droits de lhomme à Téhéran.
Mardi, lAssemblée générale de lONU a condamné lIran pour ses violations des droits humains et pour cette vidéo, filmée par un gardien de la révolution, que les activistes de lopposition se sont procurés et que The Observer a visionnée. Ce film est la preuve rare des efforts de lIran pour supprimer ses opposants. Lannée dernière, Amnesty International, a fait état dau moins 94 exécutions publiques, mais on soupçonne un bien plus grand nombre dexécutions ont eu lieu en secret. En septembre, les autorités ont déclaré à lavocat de Valliollah Feyz-Mahdavi, 28 ans, que ce dernier sétait suicidé en prison. Feyz-Mahdavi a été arrêté en raison de son appartenance au principal groupe dopposition iranien, lorganisation des Moudjahidine du peuple dIran.
Téhéran a été condamné à plus de 50 occasions par lONU pour violations graves des droits humains.
Cest un groupe dopposition exilé, le Conseil national de la Résistance iranienne, qui sest procuré la vidéo de Boroudjerd. Mardi, à la Chambre des communes britannique, elle sera visionnée par des députés de plusieurs partis, afin dencourager le gouvernement britannique à reconsidérer ce que le Conseil national qualifie de politique de complaisance à légard du régime iranien. Le groupe va dévoiler des documents sur lexécution de plus de 20 000 opposants politiques, ainsi que la preuve de limplication du président Mahmoud Ahmadinejad.