Le Monde, 18 juin – Par Laurence Monnot – Quel crédit accorder aux menaces américaines, s’interroge-t-on dans les milieux économiques autrichiens ?
Dès le lendemain, le département d’Etat américain menaçait de rétorsions économiques. Jeudi 14 juin, l’ambassadeur américain auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a réitéré ces avertissements.
L’entente, qui à ce stade n’est pas contraignante, porterait sur 20 milliards d’euros, selon les sources iraniennes. OMV refuse toute précision à ce sujet. Si elle se concrétise, le consortium autrichien, leader du marché en Europe centrale depuis qu’il a racheté le roumain Petrom, réalisera la plus importante affaire jamais conclue entre l’Iran et une entreprise européenne.
Pour OMV, qui vise au développement du secteur gazier pour approvisionner le marché est-européen en forte croissance, l’accord s’inscrit dans une logique d’expansion régionale.
Partenaire du projet de gazoduc Nabucco, qui contourne la Russie, et concurrent de Gazprom, le groupe autrichien n’a d’autres ressources que de se tourner vers la deuxième réserve mondiale de gaz naturel. Et celle-ci se trouve en Iran, où OMV a pris pied en 2001.
SANCTIONS ÉCONOMIQUES
Alors que les membres du G8 se sont mis d’accord sur le principe des sanctions économiques si l’Iran ne renonçait pas à son programme nucléaire et qu’entre-temps l’AIEA a confirmé la poursuite de ce programme, l’accord austro-iranien ne pouvait pas manquer d’attirer les foudres des Etats-Unis.
Une loi américaine de 1986, l’Iran Sanctions Act, prévoit d’exercer des sanctions économiques à l’encontre d’entreprises qui investiraient plus de 10 millions de dollars (7,5 milliards d’euros) en Iran. Jusqu’à présent elle n’a toutefois jamais été appliquée.
La rencontre mercredi à Vienne entre le ministre iranien de l’économie et des finances et le président de la Chambre de commerce fédérale autrichienne n’a rien fait pour calmer le jeu. A l’exception des Verts qui font timidement remarquer le manque de pertinence du projet, la classe politique s’est rangée sans état d’âme du côté de l’entreprise nationale (l’Etat autrichien détient 31 % des parts du groupe).
Le député européen Hannes Swoboda veut porter le débat au Parlement européen et amener le Conseil et la Commission à dénoncer l’ingérence américaine. Actuellement les sanctions adoptées par les Nations unies interdisent uniquement les échanges avec les secteurs nucléaire et balistique iraniens.
L’impact de l’Iran Sanctions Act sur OMV serait limité. L’entreprise n’est pas cotée à Wall Street et n’a pas d’activités aux Etats-Unis. Il n’est pas certain pour autant que le projet aboutisse.
OMV n’est que l’un des partenaires du consortium sur lequel les Etats-Unis exercent des pressions. Pour assurer le financement du projet et contourner les sanctions américaines, le gouvernement iranien veut mettre en place un fonds d’investissement qui aurait son siège à Bahreïn ou à Dubaï. Jusqu’à présent cette initiative a suscité peu d’enthousiasme sur les marchés financiers.