IranDroits de l'hommeLe sort des minorités religieuses en Iran

Le sort des minorités religieuses en Iran

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ImageKabyles.net:  Un article bien informé par J. K. Choksy & Nina Shea dans le National Review décrit le sort brutal réservé aux minorités religieuses en Iran : zoroastriens, juifs, chrétiens, mandéens et Bahaïs. L’Iran traite les non musulmans aussi durement que les dissidents politiques. Pourquoi l’Occident ne voit-il rien ?

NRO : « Toutes les parties d’un non-musulman sont impures », avait proclamé le défunt ayatollah Khomeini, guide suprême de l’Iran. Il expliquait que les non-musulmans se situent entre les « excréments » et la « sueur d’un chameau qui a consommé de la nourriture impure. » D’autres ayatollahs importants, dont Ahmad Jannati, l’actuel président du Conseil des gardiens, ont fait des déclarations similaires.

Ainsi, en Iran, les zoroastriens, les juifs, les mandéens, les chrétiens et les Bahais sont vus comme des inférieurs et la République islamique révolutionnaire les traite comme une cinquième colonne. Bien que la présence en Iran de la plupart de ces groupes religieux soit antérieure à l’arrivée de l’islam, aucun n’est accepté comme pleinement iranien par les dirigeants de l’Iran chiite. Avec la controverse autour de la récente élection présidentielle, la persécution des non-musulmans, accusés d’être des agents des États-Unis, d’Israël, de la Grande-Bretagne et de la monarchie déposée a atteint de nouveaux sommets. Sept leaders Bahaï et deux convertis au christianisme sont en prison et subiront bientôt des procès où leur vie est en jeu, tandis que d’autres non-musulmans sont victimes d’une intensification de la répression gouvernementale.

Les communautés non musulmanes se sont réduites et représentent au plus 2 pour cent de la population iranienne de 71 millions d’habitants. Il y a quarante ans, sous le règne du Shah, un visiteur aurait vu une société relativement tolérante. L’Iran semble maintenant avoir atteint les derniers stades de l’épuration religieuse. La discrimination, l’intimidation et le harcèlement généralisés ont incité une proportion considérable des non-musulmans à s’enfuir.

Tout comme les dissidents politiques, les minorités religieuses sont une force de modération de l’extrémisme chiite iranien. Leur seule présence garantit aussi un minimum de diversité idéologique et de pluralisme face à l’exigence de soumission imposée avec brutalité par le régime. Mais contrairement aux dissidents, les minorités religieuses ont peu attiré l’attention internationale et leur situation est mal comprise.

La constitution de l’Iran exige que les lois et règlements se fondent sur des critères islamiques, lesquels prescrivent un statut inférieur pour les trois religions non-musulmanes et refusent tout droit et toute protection aux autres confessions. Les zoroastriens, les juifs et les chrétiens (assyriens et arméniens) vivent dans une version moderne du statut de dhimmi – la condition de protégé mais soumis imposée aux « gens du Livre » et datant de l’époque médiévale. Bien que des sièges soient alloués à ces trois groupes à l’assemblée législative (cinq sièges en tout, sur 290), ils sont exclus de la haute fonction publique dans les trois branches du gouvernement.

Les églises catholique, anglicane, protestante et évangéliste ne sont pas considérées comme des communautés patrimoniales et bénéficient de peu de droits. Le culte chrétien doit être célébré en arménien ou en assyrien, et non pas en farsi. Ces dernières années, plusieurs leaders protestants et évangéliques ont été assassinés par des agents du gouvernement, et l’an dernier, on a parlé d’une nouvelle vague de répression contre des églises se réunissant dans des maisons privées, avec au moins 50 arrestations. Les Mandéens ont cherché en vain à obtenir une reconnaissance officielle sur la base de leurs liens historiques à Jean le Baptiste.

Les membres de la religion Bahaï, apparue en Iran au 19ème siècle, sont traités bien plus mal encore, en l’occurrence comme des hérétiques à persécuter absolument. En droit iranien, le sang des Bahaï est considéré mobah, ce qui veut dire qu’il peut être répandu en toute impunité. Plus de deux cents Bahaïs ont été exécutés depuis 1979. Dans certains cas, les mots « ennemi de l’islam » ont été écrits sur les cadavres. En 1979, les Pasdaran (Gardiens de la révolution) ont détruit la maison du Báb, un lieu saint Bahaï dans la ville de Shiraz au sud-ouest du pays, et le site a depuis été recouvert de pavés pour un centre islamique. Le sanctuaire abritant la sépulture de Quddus, un éminent disciple du Báb, a été détruit à Babol en 2004. Les Bahaïs ne peuvent se réunir que clandestinement – dans des maisons privées ou dans des salles louées subrepticement.

Ceux qui se sont convertis de l’islam à une autre religion sont considérés par l’État comme des apostats, qui peuvent être mis à mort. L’Iran interdit aux non-musulmans tout prosélytisme, et même la plupart des manifestations publiques de leur religion en présence de musulmans. Le ministère du Renseignement surveille de près les communautés religieuses zoroastrienne, juive et chrétienne. Ces groupes se voient systématiquement refuser l’autorisation d’entretenir des contacts formels avec des coreligionnaires étrangers.

Chez ces groupes religieux, les cérémonies d’initiation, les mariages et les funérailles doivent se faire discrètement. Même là, ils courent le risque d’une descente du ministère de la Culture et de l’Orientation islamique pour garantir le respect des « normes islamiques ». En 2004, une descente dans une assemblée a abouti à l’arrestation de 80 chrétiens pour le motif qu’ils s’étaient conformés à leurs propres mœurs en matière d’habillement des femmes et qu’ils avaient permis aux hommes et aux femmes de se côtoyer.

À Shiraz, une synagogue, une église et un temple du feu sont situés à proximité l’un de l’autre. Ils portent des graffitis anti-Pahlavi qui sont régulièrement rafraîchis pour rappeler aux juifs, aux chrétiens et aux zoroastriens que leur loyauté reste suspecte. Les juifs sont souvent accusés d’avoir aidé Israël. En 2000, onze éminents juifs iraniens ont été reconnus coupables d’espionnage pour Israël.

Le tombeau de Daniel, de l’Ancien Testament, est exploité par le régime pour promouvoir son incessante propagande antisémite et anti-israélienne. Une peinture murale représente une scène imaginaire où les forces iraniennes se joignent à des combattants palestiniens pour s’emparer du Mont du Temple à Jérusalem. À proximité de cet endroit, des slogans dénoncent les juifs, le sionisme et Israël. Les juifs ont cessé de fréquenter le site.

Bien que la constitution autorise les juifs, les chrétiens et les zoroastriens à agir « selon leurs propres préceptes pour ce qui concerne leurs affaires personnelles et l’éducation religieuse », le ministère iranien de l’Éducation gère les écoles des minorités et impose des manuels scolaires sur la religion qui sont approuvés par l’État. De nombreuses écoles secondaires des minorités ont été nationalisées. Les écoles privées restantes ont généralement un directeur musulman. Tous les candidats aux études universitaires doivent passer un examen de théologie islamique. Quant aux Bahaïs, ils sont pour l’essentiel exclus de l’enseignement supérieur.

Les écoles zoroastriennes doivent afficher les portraits des guides suprêmes de l’Iran. Des citations coraniques et des slogans révolutionnaires sont peints sur les murs intérieurs avec la participation forcée des élèves, pendant que des mollahs et des gardes révolutionnaires scandent des louanges chiites.

Les mêmes représentations ont été imposées aux églises, en particulier celles qui ne sont pas situées dans des quartiers arméniens ou assyriens. Ceux qui fréquentent les églises sont insultés et traités d’infidèles par les Pasdaran et les miliciens Basiji.

Les minorités religieuses connaissent un taux de chômage élevé et la précarité économique car une grande part de l’économie, y compris l’industrie du pétrole, est contrôlée par l’État. Les minorités qui détiennent des magasins doivent afficher bien en vue un écriteau indiquant qu’ils sont najasa (rituellement impurs). Les Bahaïs n’ont aucun droit de propriété et leurs maisons ou entreprises sont exposées à la confiscation.

Les non-musulmans ne sont toutefois pas exclus du service militaire obligatoire, et ils rapportent qu’ils sont déployés dans les missions particulièrement dangereuses. Au cours de la guerre Iran-Irak, ils ont été systématiquement transférés aux brigades suicide. Les communautés non-musulmanes entretiennent de petits « murs des martyrs » à la mémoire de leurs morts à la guerre.

Tout non-musulman responsable de la mort d’un musulman encourt la peine capitale, conformément à la jurisprudence islamique médiévale. Inversement, les musulmans ne sont pas passibles de la peine capitale ou même de longues peines de prison pour l’assassinat d’un non-musulman, bien qu’ils soient punis d’amendes. Les exceptions concernent le meurtre d’un Bahaï ou d’un apostat, pour lesquels aucune compensation n’est requise. Dans une procédure judiciaire, le témoignage d’un non-musulman vaut la moitié de celui d’un musulman. Un non-musulman qui se convertit à l’islam devient le seul héritier des biens de sa famille. Le président Ahmadinejad nie l’Holocauste, il menace Israël et promeut les Protocoles des Sages de Sion, présentés comme un document authentique. Il aurait promis de mettre fin au développement du christianisme en Iran. Sous sa présidence, la vie est juste devenue plus difficile pour les minorités religieuses. Leurs organisations sociales ont fait l’objet d’enquêtes intrusives et ont été menacées de poursuites pénales pour des motifs tels que le rejet de la « conformité culturelle » et le fait d’affaiblir « le caractère central du régime islamique ». À Qom, un nouveau comité a été habilité à « lutter contre les activités des membres des minorités religieuses ». Les cinq députés membres des minorités, comme 175 de leurs collègues, ont quitté Téhéran pour éviter d’avoir à féliciter le président lors de sa réélection, ce qui a conduit à une nouvelle série de descentes dans les synagogues, les églises et les temples du feu.

Les Iraniens non musulmans ne peuvent pas défendre leurs propres droits. En 2005, le député zoroastrien Kourosh Niknam a tenté de le faire en prononçant un discours protestant contre une calomnie des non-musulmans par le chef du Conseil des gardiens. Il a été poursuivi pour avoir manqué de respect envers les dirigeants iraniens mais relâché avec un avertissement sévère à la suite de pressions nationales et internationales.

Les dissidents politiques iraniens sont soutenus par l’Occident. Les diverses minorités non musulmanes se demandent pourquoi elles ont été oubliées.

Jamsheed K. Choksy est professeur d’Études iraniennes et ancien directeur du Programme d’études sur le Moyen Orient à l’Université de l’Indiana. Il est aussi membre du Conseil national sur les humanités. Nina Shea dirige le Centre sur la liberté religieuse de l’Institut Hudson et est membre de la Commission sur la liberté religieuse internationale des États-Unis. Cet article exprime les vues personnelles des auteurs. ]

Source : Religious Cleansing in Iran, NRO, 22 juillet 2009 Traduction par Poste-de-Veille.

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