Iran Focus, Téhéran, 4 juin – Un décor dépouillé et clair, des meubles aux lignes modernes, deux téléphones qui narrêtent pas de sonner, et un portrait de lImam Ali, le premier Imam chiite, qui trône en bonne place juste en face de lentrée. Mais pas la moindre photo dayatollahs. Un bureau simple et chic, au cur du bazar de Téhéran.
Ali nous y attend. Un téléphone mobile rivé à la bouche, il nous fait un grand sourire, décolle un instant lappareil pour le plaquer sur le cur et nous saluer, et le recolle immédiatement pour finir un appel.
« Cétait Lahidjan, un problème denlèvement de marchandise. Cest réglé maintenant. Je vous en prie, mettez-vous à laise, asseyez-vous, cest un grand honneur », fait cet homme de 55 ans, rond et jovial, avec cette amabilité touchante et sincère qui caractérise lhospitalité iranienne.
Lahidjan, cette grande ville du Guilan, dans le nord de lIran, produit du thé. Et Ali est négociant en thé. Il y a dailleurs quelques échantillons sur un présentoir. Le thé cest aussi celui brûlant quil nous offre immédiatement avant dentamer la conversation.
La cinquantaine grisonnante et bedonnante, Ali ne tarit pas sur son travail qui le passionne et lui permet de se rendre dans le nord du pays pour oublier latmosphère polluée de Téhéran. Le nord en Iran, cest un peu la Côte dAzur en France.
« A trente ans, jai soutenu le nouveau régime et Khomeiny. Mais aujourdhui, je le regrette amèrement, non seulement parce quils nont rien fait de ce quils avaient promis, mais parce quils ont fait exactement le contraire. »
Il sessuie le front où perlent de grosse gouttes. Il porte une de ces bagues ornées dune agate que lon trouve aux mains de beaucoup dhommes en Iran.
« Khomeiny au tout début, avait dit que léconomie cétait pour les ânes Elle est aujourdhui dans un état déplorable. Cest sans doute parce quelle est restée aux mains des mollahs !», ajoute-t-il dans un grand éclat de rire.
« Rafsandjani a été président pendant huit ans et il a fait plus de mal à léconomie que la guerre avec lIrak. Il a laminé les classes moyennes. Cest sous son mandat que les commerçants et les investisseurs étroitement liés au régime, ont fait main basse sur toutes les richesses du pays. Ils nous ont plongé dans la misère et le malheur. »
Ali jette un coup dil à la porte vitrée de son bureau pour vérifier un groupe dhommes qui passe.
« Jattends des clients », fait-il dans un sourire. Il reprend immédiatement son air sérieux. « Nous savons tous que les mollahs et les autorités sont des voleurs, mais le chef de bande cest Rafsandjani. Il a amassé des milliards de dollars, lui et son fils. Moi je ne voterai jamais pour ce voleur. Je ne suis pas le seul du reste. Ces élections nont rien de bon. Ce régime na rien de bon. Et puis, Rafsandjani, on sait tous quil est derrière les meurtres en séries. »
Ali fait allusion à la centaine dintellectuels éliminés par les services secrets, des meurtres qui avaient soulevé lindignation en Iran comme dans le monde. « Il ny aura pas beaucoup de gens du bazar qui vont se rendre aux urnes ce jour-là. Beaucoup de collègues ont prévu un déplacement. »