Iran Focus, Paris, 22 juin – Par Navid Pirouzi – Ces jours-ci dans la presse française on entend comparer le deuxième tour de la présidentielle en Iran à celui de la présidentielle en France. Cest Rafsandjani qui aurait dans ce scénario le beau rôle du président français Jacques Chirac.
A la place de Jacques Chirac, je naurais pas apprécié cette comparaison avec un ayatollah.
Il est vrai que Ali-Akbar Hachemi Rafsandjani est un des hommes les plus puissants de la hiérarchie cléricale au pouvoir en Iran et quil est très doué pour les affaires. Mais la ressemblance sarrête là.
Il faut se rappeler que celui que lon sescrime aujourdhui à faire passer pour un modéré, en tout cas un candidat moins pire, un sauveur qui empêcherait cette peste brune de « conservateurs » de mettre la main sur lIran, est un des plus proches collaborateurs de Khomeiny et de ce fait impliqué dans toutes les décisions depuis lavènement de la sinistre théocratie.
Son rôle lui a valu le surnom de Malijak, ou bouffon de limam. Il devient dabord membre du Conseil de la Révolution, puis ministre de lintérieur et enfin président du Majlis (le parlement) en 1980. Il reste jusquà la mort de Khomeiny à ce poste.
En 1989, Rafsandjani investit la présidence de la République le temps de deux mandats et émigre ensuite à la tête du Conseil de discernement des intérêts de lEtat. Cest à ce titre, quil conserve le rôle du numéro deux après le guide suprême, Ali Khamenei. Ses déboires lors des législatives de 2000 à Téhéran quand il est arrivé à la trentième place, lui ont valu le surnom de « Aghassi » (Monsieur Trente).
Cette brillante collection de sièges dans une des pires dictatures contemporaines, le place dans le groupe de tête des personnalités les plus détestées des Iraniens.
En effet, Rafsandjani a été lun des principaux responsables du massacre des prisonniers politiques dans les années 1980 et particulièrement le génocide de 30 000 prisonniers proches des Moudjahidine du peuple en 1988. Dans une interview au journal Etelaat, du 3 octobre 1981, il déclarait à propos des membres et des sympathisants des Moudjahidine : « La loi divine définit les sentences qui les concernent et qui doivent être exécutées : les tuer, les pendre, leur couper les mains et les pieds ou les bannir. Si nous en avions attrapés et exécutés 200, juste après la révolution, ils ne se seraient pas autant multipliés ».
Ce nest pas uniquement pour son visage imberbe quil est surnommé kousseh (glabre en persan) mais aussi pour sa disposition à dévorer, puisque kousseh veut aussi dire requin.
Lautre trait, cest sa volonté à recourir à la violence extrême pour écraser lopposition et son rôle dans les meurtres en série de dissidents et dintellectuels. Dans cette affaire le journaliste Akbar Gandji qui est depuis emprisonné, a pointé le doigt vers Rafsandjani en le surnommant « léminence grise ».
On parle aujourdhui de la capacité de Rafsandjani à libéraliser léconomie. Or on oublie quau début des années 1990, sa tentative de libéralisation économique – sans pour autant céder à une libéralisation politique – avait encouragé la population à descendre dans les rues pour réclamer des libertés politiques et sociales. A ces demandes, il avait répondu par une répression féroce. Les foules énormes de Machad, Ghazvine ou Chiraz avaient été cruellement réprimées. Mehdi Bazargan le premier Premier ministre de Khomeiny, avait alors parlé de plusieurs milliers de mort à Ghazvine.
Sil devient président de la République, Rafsandjani aura surtout du mal à voyager hors dIran puisque la justice fédérale allemande la désigné comme le commanditaire du quadruple assassinat des opposants kurdes iraniens à Berlin. En effet, cest sous sa présidence que les principaux assassinats dopposants à létranger ont eu lieu. Rafsandjani a montré quil na jamais hésité à recourir au terrorisme dans le monde pour faire avancer ses objectifs.
On entend aussi dire que Rafsandjani va débloquer limpasse des négociations nucléaires entre la troïka européenne et lIran. On oublie que cest lui qui a lancé le projet de la production de larme atomique alors quil commandait les forces armées. Pour dissiper tout malentendu, il a précisé quil comptait bien poursuivre la prolifération nucléaire.
Certains avancent candidement les filles sur les corps desquels Rafsandjani a affiché sa campagne électorale. Cela suffirait à faire oublier que pour justifier lapartheid qui frappe les femmes en Iran, cest lui qui a déclaré : « la différence de taille, de vitalité, de voix, de développement, de qualité musculaire et de force physique entre un homme et une femme montrent que les hommes sont plus forts et plus capables dans tous les domaines le cerveau des hommes est plus grand Ces différences affectent la délégation des responsabilités, des devoirs et des droits. »
En tout cas Rafsandjani sefforce tellement de faire oublier son passé quil ne se fait plus nommer Rafsandjani, mais Hachemi.
Bien que décrit aujourdhui comme un pragmatique, voir un modéré par une certaine presse occidentale, les Iraniens, eux, jugent cet animal politique sur ses actes passés plutôt que sur ses promesses sans lendemain. Suffit-il de changer de nom pour effacer de la mémoire collective « le requin », « léminence grise des meurtres en série », « le bouffon de Khomeiny » ?
Face à Rafsandjani, Ahmadinejad un ancien membre des pasdarans, célèbre pour son implication dans le terrorisme et la répression des étudiants, fait figure de novice.
Alors, les Iraniens auront-ils le réflexe des Français qui ont voté pour Jacques Chirac ? Où celui des Français qui face à loccupation Nazie dun côté et le gouvernement collaborateur de Vichy de lautre, ont choisi la Résistance et De Gaulle ?