Iran Focus, Téhéran, 25 juin Un ancien commandant des gardiens de la révolution, âgé de 49 ans, est devenu le sixième président de la théocratie iranienne par une victoire « écrasante » sur lancien président Ali-Akbar Hachemi Rafsandjani, scellant la mainmise des ultra sous la houlette du guide suprême layatollah Ali Khameneï, sur tous les leviers du pouvoir.
Mahmoud Ahmadinejad, maire de Téhéran depuis avril 2003, était inconnu de la plupart des Iraniens avant le premier tour de la présidentielle le 17 juin. Alors que tous sattendaient à le voir éliminer à lissue du premier tour, il est arrivé en seconde position derrière un vétéran de la politique et homme fort de la nomenklatura, Hachemi Rafsandjani.
La victoire dAhmadinejad a porté un coup cinglant aux gouvernements européens qui avaient apporté leur soutien à Mostapha Moïne, un allié du président sortant Mohammad Khatami, au premier tour, puis misé sur « le pragmatique » Rafsandjani au second tour.
« La domination de la politique à Téhéran par laile dure jette la politique « dengagement constructif » de lUnion européenne avec lEtat religieux islamique dans une confusion totale », estimait un diplomate européen qui rentre dIran, dans une interview téléphonique. « La complaisance avec lIran dans lespoir de promouvoir les modérés a été contre-productive ».
« Il doit sa victoire autant à la puissante organisation des gardiens de la révolution et du Bassidj paramilitaire quau vote anti-Rafsandjani de millions dIraniens appauvris qui haïssent lancien président comme un symbole de la corruption et du népotisme », affirme Ali Yarandi, sociologue de luniversité de Téhéran.
« La même machine qui a gagné les deux dernières élections nationales [les municipales en 2003 et parlementaires en 2004″> a imposé cette victoire aujourdhui », analyse la journaliste Haleh Hayati. « Il ne sagit pas délections démocratiques. Il sagit dun gardien de la révolution et de ses milices islamistes qui ont bourré les urnes avec de faux bulletins et procédé à des intimidations sur les activistes de la campagne et les électeurs. »
Ahmadinejad, fils dun forgeron, a fait campagne comme politicien populiste opposé à lestablishment de la théocratie, à des hommes comme Rafsandjani dont la famille dirige un immense empire financier.
En réalité, Ahmadinejad est considéré comme un « pion » aux mains des puissants religieux qui lont littéralement porté à la victoire. Un de ses principaux soutiens, layatollah Ahmad Jannati, chef du Conseil des Gardiens, était dune humeur joyeuse hier lors de son sermon du vendredi dans la capitale.
« Chaque vote que vous déposez est une balle dans le cur de lAmérique », a-t-il déclaré à ses ouailles. « Ce quils ont (les pays occidentaux), ce nest pas la démocratie. Ce sont des partis et des capitalistes qui font voter les gens en leur faveur pour se remplir les poches. »
Jannati, un des ultras qui forment le « cabinet rapproché » de layatollah Khameneï, a joué un rôle clé dan la consolidation du pouvoir aux mains des gardiens de la révolution et de leurs alliés ces trois dernières années.
Des généraux actifs ou anciens de larmée idéologique des ayatollahs contrôlent lappareil militaire et de sécurité, le parlement, les principaux quotidiens, la radiotélévision, les conseils municipaux et le conseil suprême de sécurité nationale.
La victoire dAhmadinejad range le dernier bastion du pouvoir de la théocratie, la présidence, sous le contrôle des ultras. Avec le judiciaire et le Conseil des Gardiens déjà entre leur mains, les ultras autour de layatollah Khameneï contrôlent désormais le pouvoir dans sa totalité.
Ahmadinejad a déclaré quil appliquerait « la politique du guide suprême à la lettre ». Il fera adopter au gouvernement une position plus dure dans les négociations avec lEurope sur son programme nucléaire.
Il a critiqué les négociateurs actuels iraniens pour avoir fait trop de concessions à lEurope. Sa présidence laisse présager que la politique étrangère et de sécurité iraniennes, notamment toutes les décisions sur le programme atomique, seront faites exclusivement dans le bureau du guide suprême avec un minimum de délégation à dautres parties du gouvernement.