The Times, 2 novembre
De notre envoyé spécial à Téhéran, Ramita Navai et notre Rédacteur en Chef Diplomatique, Richard Beeston
The Times est en mesure de divulguer que le Président de lIran, Mahmoud Ahmadinejad, a ordonné une purge sans précédent dambassadeurs haut placés jugés trop libéraux pour la politique de son administration.
Au moins 20 chefs de mission et dautres hauts diplomates ont été renvoyés ou transférés dans le plus grand remaniement depuis la Révolution iranienne de 1979. La majorité dentre eux ont été nommés pendant la décennie de rapprochement avec lOccident sur laquelle M. Ahmadinejad a brusquement fait marche arrière.
Quatre des émissaires, les ambassadeurs à Londres, Paris, Berlin ainsi que le représentant du pays aux Nations Unies à Genève, avaient engagé des mois de délicate médiation entre lIran et lEurope au sujet du programme nucléaire de Téhéran.
De hauts responsables iraniens et occidentaux ont confié au Times quils craignaient que cette épuration soit le signe dun nouveau durcissement de la politique étrangère provocatrice qui a isolé le régime dAhmadinejad.
Lune des victimes les plus éminentes de cet abattage diplomatique est le très distingué Mohammad Hossein Adeli, Ambassadeur à Londres, qui a fait ses études aux Etats-Unis et qui est resté en fonction seulement 12 mois. Il est également le premier émissaire iranien depuis la Révolution islamique à parler couramment langlais.
M. Adeli, 52 ans, va quitter le département des affaires étrangères dans les semaines à venir, tout comme les ambassadeurs à Paris, Berlin, Genève et Kuala Lumpur. On croit également que les ambassadeurs dIran en Indonésie et dans plusieurs Etats arabes se trouvent sur la liste.
« Nous nous attendons à ce que lIran rappelle plus de 20 ambassadeurs et chefs de mission », a déclaré au Times un diplomate occidental à Téhéran. « Le nouveau Gouvernement veut manifestement placer ses propres hommes, puisquune grande partie de ces ambassadeurs étaient des partisans de Rafsandjani (le Président précédent) et étaient en faveur dune réforme. »
Quelles que soient les raisons de politique intérieure derrière ces révocations, cela ne pouvait pas tomber plus mal pour limage de lIran à létranger. La semaine dernière, la communauté internationale a réagi avec indignation lorsque M. Ahmadinejad a demandé à ce quIsraël soit « rayé de la carte ». Plusieurs des ambassadeurs qui ont été rappelés ont dû gérer les retombées de ces commentaires lorsquils ont été convoqués pour recevoir les protestations des gouvernements hôtes.
En septembre, M. Ahmadinejad, ancien commandant des gardiens de la révolution dIran et ancien Maire de Téhéran, a utilisé le même langage inflexible lors de son premier discours aux Nations Unies. Au lieu de flatter la communauté internationale, il a averti les étrangers de ne pas se mêler des affaires de lIran, et en particulier de son programme nucléaire, dont beaucoup ont peur quil sagisse en réalité dune couverture pour fabriquer la bombe atomique.
Il y a de grandes chances pour que ce problème devienne le sujet principal de la réunion du conseil dadministration de lAgence Internationale de lEnergie Atomique (AIEA) qui doit se tenir ce mois-ci. LIran risque des sanctions si son cas est soumis au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Désormais, la plupart des négociateurs diplomatiques les plus qualifiés du pays ne sont plus en fonction, y compris Mohammad Reza al-Borzi, lémissaire de lIran aux Nations Unies à Genève, qui a joué un rôle dintermédiaire clé avec la Grande-Bretagne, la France et lAllemagne sur la question nucléaire.
« Cest une erreur monumentale. Le régime sest tiré dans le pied », a déclaré Dr Ali Ansari, expert iranien à lUniversité St Andrews. « Cest tout à fait typique de la fermeture au monde extérieur du régime : il provoque cette crise puis se débarrasse de ses meilleurs diplomates juste au moment où tout va au plus mal pour le pays sur la scène internationale ».
On ne sait toujours pas officiellement qui va remplacer ces ambassadeurs. Concernant la Grande-Bretagne, Téhéran pourrait choisir de laisser le poste vacant en signe de protestation à un désaccord récent au sujet de lIrak et qui a déjà engendré un boycott non-officiel des produits britanniques en vente en Iran.
Il est clair quil y a toutes les chances pour que des diplomates très différents émergent de ce remaniement. Par exemple, Manoucher Mottaki, le nouveau ministre des Affaires étrangères, est un ancien ambassadeur au Japon et en Turquie qui a été expulsé dAnkara après avoir été accusé de soutenir des attentats contre des dissidents iraniens.
Cest un allié proche dAli Laridjani, le nouveau ministre radical et puissant du Conseil suprême de sécurité nationale, chargé des négociations nucléaires et de la politique de lIran concernant lIrak.
Mais le durcissement de la politique iranienne nest pas sans rencontrer de résistance à lintérieur du pays. M. Ahmadinejad a peut-être remporté une victoire écrasante, mais il a toujours des adversaires puissants.
Mohammad Khatami et Akbar Hachemi Rafsandjani, les deux anciens présidents réformistes, critiquent ouvertement sa politique. Dimanche dernier, M. Khatami a accusé le nouveau dirigeant d « utiliser des valeurs et des principes fascistes au nom de lIslam dans le but de critiquer le libéralisme ». Hier, Mohammad Atrianfar, un proche allié de Rafsandjani, a qualifié le renvoi des diplomates de grosse erreur diplomatique : « Le Président ne comprend pas quil devrait plutôt procéder avec prudence ».