IranIran (actualité)L'Iran s'impose au contre-sommet de Shanghaï

L’Iran s’impose au contre-sommet de Shanghaï

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Le Figaro, 15 juin – De Jean-Jacques Mével – Peu concernée par le grand rendez-vous du G 8 qui se tient dans un mois à Saint-Pétersbourg, la République populaire de Chine a trouvé une tribune de substitution : le sommet de Shanghaï, où se retrouvent aujourd’hui le président chinois Hu Jintao, le russe Vladimir Poutine, le pakistanais Parviz Musharraf et six présidents d’Asie centrale. Mais c’est un autre invité, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui risque d’usurper le spectacle, sur fond de suspense nucléaire.

L’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS) célèbre cette année ses cinq ans. Elle est l’une des rares enceintes asiatiques dont la puissance américaine est exclue. Fondée comme un club de bon voisinage, elle s’impose peu à peu comme un forum de sécurité collective. Son succès, jugé troublant à Washington, est la résultante de l’essor économique et politique de la Chine. «L’OCS prend de l’ampleur et elle commence à attirer l’attention du monde», dit-on fièrement à Pékin.

Peut-être un peu trop. Le président Ahmadinejad, ostracisé par l’Occident, trouvera à Shanghaï l’occasion de s’afficher avec les deux dirigeants qui sont les moins enclins à voter des sanctions internationales contre son programme nucléaire : Hu et Poutine. Le chef du Pentagone Donald Rumsfeld n’a pas été le dernier à s’étonner que Téhéran, «l’un des moteurs du terrorisme mondial», puisse disposer d’un siège d’observateur à l’OCS.

Au-delà de ce jeu de rôles prévisible, toute l’attention se portera sur les Chinois et sur les Russes, c’est-à-dire sur leur enthousiasme à ramener Mahmoud Ahmadinejad dans le droit chemin. Pékin considère l’OCS comme sa meilleure tribune en Asie et elle n’entend la céder à personne d’autre. C’est demain seulement – après la clôture du sommet de Shanghaï – que «l’invité» venu de Téhéran sera reçu par Hu Jintao. Quant à la conférence de presse du président iranien, «elle n’engagera que lui-même», annonce la diplomatie chinoise.

LA FACTURE DE LA GUERRE

Dans la crise nucléaire, il y a plus qu’une nuance entre Moscou et Pékin. Vladimir Poutine, vexé par les récentes avancées de l’Otan en Ukraine et en Asie centrale, voit dans l’abcès iranien un moyen de gêner, voire de contrer la puissance américaine. Hu Jintao pousse, pour l’heure, une stratégie moins antagoniste. Il vient de refuser le statut de membre à part entière que Téhéran réclamait à Shanghaï avec le soutien implicite de Moscou. Pékin répète à l’envi que «l’OCS n’est dirigée contre personne». Comprendre : les États-Unis.

La Chine s’inquiète aussi de la facture catastrophique d’une escalade militaire entre Washington et Téhéran. La Chine importe 15% de son pétrole d’Iran, ce qui explique le réflexe officiel de réticence à toutes «sanctions arbitraires» imposées par l’ONU. Mais, au total, c’est près de la moitié des achats chinois de brut qui transitent par le détroit d’Ormouz, voie d’eau qui serait bloquée au premier coup de canon. Finalement, «les sanctions (de l’ONU) peuvent s’avérer souhaitables si c’est le seul moyen d’éviter une guerre dévastatrice pour l’économie chinoise», avance Yin Gang, expert de l’Iran à l’Académie des sciences sociales. Personne ne sait à quel moment la Chine lâchera l’Iran pour s’éviter un désastre. L’entretien de demain est peut-être l’une des clés. Hu Jintao cherchera à dissuader Mahmoud Ahmadinejad de commettre l’irréparable. Quel que soit le résultat, il paraît clair que Moscou et Pékin sont sur des trajectoires différentes. Chaque poussée de fièvre sur l’Iran fait grimper le cours du baril, engraisse le trésor russe et menace la croissance chinoise. «Nous ne sommes plus du tout dans le même bateau», estime Yin Gang.

DES REGARDS DIVERGENTS

Ces divergences n’hypothèquent pas le succès de sommet de l’OCS. L’objectif des Chinois est médiatique, voire cérémoniel. Les seules avancées concrètes attendues sont un renforcement de la lutte contre le trafic de drogue aux frontières de l’Afghanistan et la préparation d’un exercice antiterroriste au coeur de la Russie.

C’est en net retrait sur les ambitions stratégiques énoncées l’an dernier. Hu, Poutine et leurs quatre partenaires de l’OCS avaient demandé à l’Administration Bush de fermer ses bases militaires en Asie centrale. L’Ouzbékistan a, depuis, obtenu le départ des Américains. Mais le Pentagone s’est rattrapé en annonçant pour cet automne des manoeuvres de l’Otan au Kazakhstan et en conservant sa base de Manas, au Kirghizstan.

La crise nucléaire iranienne pourrait servir de révélateur aux tiraillements qui menacent à terme l’OCS et son attelage sino-russe. Au contraire des cauchemars de Washington et de rêves en cours à Moscou, l’organisation de Shanghaï est tout sauf une alliance militaire potentielle. Elle n’a pas une puissance tutélaire, mais deux dont les regards divergent, l’une vers l’Asie et l’autre vers l’Europe. Spécialiste des relations sino-américaines à l’Université du Peuple (Pékin), Shi Yinhong avance une autre discordance : «La Russie est d’autant plus hargneuse qu’elle est en déclin, dit-il. La Chine, elle, a confiance dans l’avenir. Elle attend patiemment son heure.»

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