The Associated Press, Téhéran, 3 juin – Le ministre de l’Intérieur iranien a déclenché une polémique dans son pays traditionnellement conservateur en apportant son soutien à l’idée de mariage provisoire pour tenter d’endiguer les pratiques sexuelles hors mariage, ont annoncé samedi les médias officiels.
L’expression « mariage provisoire » renvoie à une tradition chiite -bien qu’elle ne soit pas très courante en Iran pourtant à domination chiite- en vertu de laquelle un homme et une femme signent un contrat, appelé sigheh, qui les autorise à être « mariés » pour un certain temps, parfois moins de 24 heures.
Or certains Iraniens plaident en faveur d’une institutionnalisation de cette tradition, espérant ainsi combattre la pratique « illégale » du sexe. Mais d’autres considèrent ça comme une porte ouverte à la prostitution dans un pays où les relations sexuelles hors mariage sont interdites par la loi islamique.
« Le mariage provisoire est une règle de Dieu. Nous devons l’encourager vigoureusement », a déclaré le ministre de l’Intérieur Mostafa Pourmohammadi, cité par la télévision d’Etat.
Le ministre de l’intérieur, qui a fait ces déclarations jeudi, est le premier responsable iranien à soutenir officiellement cette pratique controversée depuis plus de dix ans. L’ancien président iranien Hachémi Rfsandjani avait soulevé le problème dans les années 1990, mais s’était heurté à une forte opposition de la part des religieux conservateurs.
« Nous devons trouver une solution pour répondre au désir sexuel des jeunes qui ne peuvent pas se marier », a expliqué Pourmohammadi à plusieurs journaux locaux. La moitié des 70 millions d’Iraniens a moins de 30 ans.
Reza Carabi, un chauffeur de taxi de 23 ans exprime ainsi la frustration de beaucoup de jeunes Iraniens qui n’ont pas les moyens d’acheter une maison et de se marier.
« Je n’ai pas assez d’argent pour assumer une vie conjugale. Je ne veux pas fréquenter de prostituées. Que dois-je faire pour satisfaire mes besoins sexuels? », demande-t-il.
Les opposants à la pratique du « mariage provisoire » craignent qu’elle n’entraîne une augmentation de la prostitution et une dégradation des valeurs morales.
« Ca va ébranler les fondements de la famille », a affirmé le juriste Nemat Ahmadi, arguant que cela donnerait aux hommes riches un alibi religieux pour avoir des liaisons. « Ca va seulement promouvoir la prostitution », redoute-t-il.
La prostitution a été interdite en Iran après la révolution islamique de 1979 mais elle a augmenté ces dernières années. Il n’existe pas de statistiques officielles accessibles sur le nombre de prostituées en Iran, mais des chiffres officieux publiés par certains médias font état de plusieurs centaines de milliers de travailleurs du sexe dans la République islamique.