IranIran (actualité)Le régime iranien étouffe toute contestation

Le régime iranien étouffe toute contestation

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Le Figaro, 13 juillet – Arrestation d’étudiants, de syndicalistes et de binationaux, poursuites contre les militantes féministes, intimidation d’opposants et de journalistes : le régime de Téhéran, sous pression internationale à cause de son programme nucléaire, durcit le ton en interne.

Dans la salle de rédaction de ce journal local, on entend voler les mouches. Sous le poids des nouvelles restrictions imposées ces derniers mois, les plumes n’ont plus grand-chose à gratter. « A l’exception de la retranscription des discours du guide suprême et des déclarations du président Ahmadinejad, écrire est devenu une prise de risque incontrôlable », se lamente un jeune reporter, qui préfère taire son nom.

Interdiction d’évoquer les sanctions onusiennes, interdiction de parler des arrestations menées par la police des moeurs, interdiction d’écrire sur les pressions subies par la minorité sunnite… Une circulaire de trois pages, envoyée par le Conseil suprême de la sécurité nationale il y a un mois aux rédactions des quotidiens iraniens, dresse une liste exhaustive des sujets à éviter. Ceux qui dérogent à la règle sont régulièrement intimidés, parfois arrêtés, voire forcés de mettre la clef sous la porte.

Derniers exemples en date : la fermeture forcée, à une semaine d’intervalle, du quotidien réformateur Hamihan et de l’agence de presse semi-officielle Ilna, proche des modérés… Des signes, parmi tant d’autres, de la vague de répression qui secoue la société iranienne, à l’heure où les autorités de Téhéran font l’objet d’une pression internationale renforcée à cause de leur refus d’abandonner leur programme nucléaire.

Lapidation publique

Chaque jour, le triste tableau des atteintes aux droits de l’homme en Iran ne cesse de se noircir. « Le pouvoir se sent menacé de l’extérieur. Du coup, il réprime en interne », se désole le journaliste. Depuis le mois de mars, date qui coïncide avec le deuxième volet de sanctions votées à l’ONU, des dizaines de féministes ont été arrêtées, puis relâchées sous caution. Certaines font l’objet d’un procès. L’une d’elles, Delaram Ali, vient d’être condamnée à 34 mois de prison, peine assortie de coups de fouet. Son « crime » : avoir mené campagne en faveur de la parité entre les sexes dans un pays où, au regard de la loi islamique en vigueur, la femme ne compte souvent que pour la moitié d’un homme.

Ces dernières semaines, près de 150 000 Iraniennes ont été interpellées à cause de leurs foulards jugés insuffisamment stricts. En outre, la lapidation publique, annoncée cette semaine, d’un homme accusé d’adultère, a révélé la poursuite de pratiques archaïques, en dépit d’un engagement pris en 2002 par les autorités iraniennes de suspendre ce genre de sentence.

Les syndicats ne sont pas épargnés par la chape de plomb. Mardi soir, Mansour Osanlou, le dirigeant du Syndicat des chauffeurs de bus, s’est fait enlever et tabasser en pleine rue par des hommes habillés en civil. Dans un communiqué, ses collègues disent y reconnaître la marque des services de renseignement iraniens. Ils ont appelé à la libération immédiate de leur confrère.

« Le gouvernement d’Ahmadinejad est en train de montrer son vrai visage », confie Arash, un étudiant de 25 ans. Après son élection, en juin 2005, ce président islamo-populiste a, dans un premier temps, concentré ses efforts sur la politique internationale : défis lancés à l’Amérique, appels à rayer Israël de la carte du monde. A l’étonnement général, il a donné quelques gages d’ouverture en interne, en prônant par exemple le droit des femmes à assister aux matchs de football. En février 2007, il s’est même engagé à ne pas punir des étudiants de l’université Amir Kabir qui avaient brûlé sa photo lors d’un rassemblement.

Mais, au fil des mois, son gouvernement, composé en partie d’anciens membres des services secrets et d’ex-gardiens de la révolution, a commencé à s’attaquer, sans détour, à ces mêmes étudiants – dont une dizaine se trouvent aujourd’hui en prison – ainsi qu’aux organisations non gouvernementales, défenseurs des droits de l’homme, journalistes et syndicalistes.

La récente détention de Hossein Moussavian, l’un des anciens négociateurs réformistes, chargé du dossier nucléaire, est perçue, à Téhéran, comme le témoignage d’une guerre déclarée aux partisans de la négociation et du dialogue avec l’Occident. Depuis peu, de nombreux professeurs et intellectuels sont, eux aussi, convoqués par les services secrets iraniens et appelés à suspendre leurs relations avec les ambassades occidentales.

Binationaux accusés

Raison invoquée par Gholamhossein Mohseni Ejei, le ministre des Renseignements, à l’occasion d’un récent discours : « la nécessité de punir toute tentative de renverser le régime ». « Malheureusement, certaines factions au sein du gouvernement voient dans les opposants iraniens des agents d’un projet américain en faveur d’une révolution de velours », regrette le dissident iranien Ahmad Zeidabadi, dans un article posté sur Roozonline, un site Internet contestataire. Par les temps qui courent, les appels de Washington en faveur d’un « changement de régime en Iran » servent, dit-il, de prétexte aux autorités iraniennes pour étouffer les efforts de démocratisation.

C’est dans cet esprit que trois binationaux ont récemment échoué derrière les barreaux de la prison d’Evine. L’universitaire Haleh Esfandiari, le sociologue Kian Tadjbakhsh et l’homme d’affaires Ali Shakeri, qui possèdent tous trois la double nationalité irano-américaine, sont accusés d’avoir « agi contre la sécurité nationale ».

Une documentariste franco-iranienne, Mehrnouche Solouki, est également retenue contre son gré en Iran depuis février. Elle s’était rendue en Iran en décembre pour réaliser un documentaire sur la répression politique qui suivit la fin de la guerre Iran-Irak en 1988. Incarcérée, puis relâchée sous caution en mars, elle fait l’objet d’une enquête.

Saper l’ouverture envers l’Occident

Parnaz Azima, journaliste irano-américaine pour les services en langue persane de Radio Farda, basée à Prague, est également assignée à résidence. Son passeport lui a été confisqué lors de son arrivée à l’aéroport de Téhéran, en janvier 2007, alors qu’elle venait rendre visite à sa mère malade. Elle est accusée de propagande contre le régime et son dossier se trouve entre les mains du tribunal révolutionnaire, qui lui demande une caution d’environ 500 000 dollars. « Le plus dur, c’est d’être condamnée à attendre, sans savoir ce qui peut m’arriver », confie-t-elle au Figaro.

Pour les observateurs du puzzle politique iranien, cette répression symbolise, à sa façon, la volonté de l’establishment révolutionnaire, incarné par Ahmadinejad et ses proches, de sauvegarder coûte que coûte le régime en sapant toute tentative d’ouverture à l’Occident. « C’est aussi révélateur d’un régime qui s’efforce d’étouffer toute forme de contestation croissante, notamment sur la question économique, à l’heure où Téhéran risque de faire face à un troisième volet de sanctions », confie un diplomate occidental.

D’autres y voient une crise de paranoïa des autorités iraniennes, à un moment où les Américains, militairement présents en Irak et en Afghanistan, viennent de déployer deux porte-avions dans le golfe Persique. La crise des marins britanniques, détenus pendant 13 jours en début d’année pour avoir, selon Téhéran, franchi les eaux territoriales iraniennes, en est un exemple. A l’époque des réformateurs, la question aurait été réglée discrètement, par voie diplomatique. « Mais la nouvelle administration iranienne a une attitude beaucoup plus militaire et belliqueuse », analyse Ebrahim Yazdi, le leader du Mouvement pour la liberté, un groupe d’opposition iranien.

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