Le Monde, 9 janvier – par Alain Faujas – Une épreuve de force est engagée, en Iran, sur le terrain économique, entre le président Mahmoud Ahmadinejad et le Parlement, quelques semaines avant des élections législatives prévues le 14 mars.
M. Ahmadinejad défend une politique budgétaire destinée à « apporter l’argent du pétrole sur la table des Iraniens ». Il a présenté au Parlement, le 7 janvier, un projet de budget 2008-2009 en hausse de 17 %.
Ce projet, qui comprend les dépenses du gouvernement et celles des entreprises publiques, s’élève à 2 710 000 milliards de rials (198,5 milliards d’euros) contre 2 310 000 millions de rials (169 milliards d’euros) pour le précédent, déjà en hausse de 20 %.
« Le prix du baril est de 70 dollars en moyenne depuis le début de l’année, a déclaré le président. Les gens se demandent quel effet la hausse du pétrole a dans leur vie quotidienne ( ). Il faut redistribuer l’argent du pétrole. » L’Etat iranien continuera à consacrer les dizaines de milliards de dollars (51 milliards de dollars en 2006-2007) que lui rapporte la rente pétrolière à la subvention des produits de consommation courante, notamment le carburant. Deuxième producteur de l’OPEP, l’Iran doit en effet importer 40 % de sa consommation d’essence, faute de capacités de raffinage, ce qui lui coûte plus de 5 milliards de dollars par an.
Ces déficits forcent le gouvernement à ponctionner le fonds de stabilisation où sont cantonnés, en principe, les surplus des rentrées pétrolières. Dix milliards de dollars ont été ainsi prélevés en 2005 et 17,4 milliards en 2006.
Ce laxisme a déclenché une hyperinflation qui a atteint, en novembre 2007, le taux de 19,1 %. Les prix des fruits et légumes ont ainsi été multipliés par trois en deux ans.
VALSE DES PRIX
Au Parlement, même les élus conservateurs ont pris conscience du danger d’une valse des prix qui suscite de plus en plus d’hostilité à l’égard du pouvoir. Proche de M. Ahmadinejad, le président du Parlement, Gholam Ali Hadad Adel, a tenu, le 6 janvier, des propos très critiques rapportés par l’agence Fars. Il a affirmé qu' »une grande partie de l’inflation est due aux décisions du gouvernement ».
Le même jour, le Parlement a pris la décision de rétablir le conseil monétaire de la Banque centrale iranienne, supprimé par le président Ahmadinejad en raison du refus de cette instance d’approuver, en mai 2007, l’abaissement autoritaire du taux d’intérêt des banques privées à 13 %.
Malgré la renaissance de ce conseil, le quotidien proche des réformateurs Etemad-e-Melli s’est demandé si « le président de la Banque centrale pourra s’opposer aux projets ‘idéologiques’ du gouvernement ».
Le gouvernement a logiquement annoncé la libération du marché monétaire. En effet, le coût de l’argent, inférieur au taux d’inflation, a contribué à orienter les capitaux vers l’immobilier, où les prix ont doublé depuis l’été 2007.
Des politiques budgétaire et monétaire aussi antagonistes augurent mal, selon les économistes iraniens, de la stabilité économique et politique du pays.