AFP: Par Laurent MAILLARD – Deux ans après sa réélection contestée, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a marginalisé ses opposants réformateurs mais affronte une crise au sein de son propre camp, face aux conservateurs religieux qui s’inquiètent de ses velléités d’autonomie.
Ses principaux détracteurs de 2009 ont été réduits au silence. Ses opposants à la présidentielle de 2009, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, sont en résidence surveillée et l’ex-président Mohammad Khatami a adopté une prudente expectative.
Des centaines de personnalités proches des réformateurs, intellectuels, journalistes, avocats ou activistes ont été arrêtés, et les médias réformateurs qui ont survécu à la répression ont adopté un profil bas.
En revanche, le conflit qui couvait depuis des mois entre la présidence et les ultra-conservateurs dominant les institutions de la République islamique a pris un tour aigu en avril, lorsque M. Ahmadinejad a ouvertement contesté une décision du Guide suprême Ali Khamenei l’empêchant de limoger son ministre du Renseignement.
Le ministère du Renseignement, qui peut contribuer au rejet des candidatures électorales, devrait jouer un rôle important avant les législatives de mars 2012 auxquelles les partisans du président n’ont pas caché leur intention de présenter des candidats contre la majorité conservatrice actuelle.
M. Ahmadinejad a marqué son mécontentement en se retirant pendant dix jours de la vie publique, un défi à l’autorité de l’ayatollah Khamenei qui a suscité la colère des conservateurs religieux se réclamant du Guide.
Peu soucieux d’ouvrir une crise institutionnelle, le numéro un iranien a minimisé l’incident et fait savoir qu’il souhaitait que le président aille au bout de son mandat de quatre ans.
Mais il a laissé ses partisans s’en prendre violemment à l’entourage de M. Ahmadinejad, notamment à son directeur de cabinet Esfandiar Rahim Machaie, bête noire des conservateurs religieux qui le jugent trop libéral, trop nationaliste et trop influent.
M. Machaie est désormais accusé de diriger un « courant déviationniste » visant à saper le régime islamique en contestant l’autorité du Guide et du clergé, et d’y entraîner le président qu’il aurait « envoûté ».
Plusieurs proches de l’administration présidentielle ont été arrêtés ces dernières semaines sous diverses accusations, et un vice-président a été condamné par la justice pour abus de pouvoir.
Pour tenter de désamorcer les critiques, M. Ahmadinejad a multiplié les allégeances publiques à l’ayatollah Khamenei.
Mais il a jusqu’à présent farouchement défendu son entourage, refusant de céder aux pressions des conservateurs religieux proches du Guide lui demandant de limoger M. Machaie.
Il a également ouvertement défié ses opposants conservateurs en assurant pendant trois semaines en mai l’intérim du ministère clef du Pétrole, malgré l’opposition du Parlement et l’avis négatif du Conseil constitutionnel.
Conscient du danger de cette crise à la tête du régime, le Guide a demandé à plusieurs reprises à ses partisans de cesser leurs attaques contre le président et son gouvernement.
Mais les ultra-conservateurs n’ont pas désarmé, continuant à distiller quotidiennement en public ou dans la presse des critiques virulentes contre l’entourage de M. Ahmadinejad.
« Les déviationnistes veulent saper le système par l’argent et la propagande (…), ce sont des « ordures » dont « les idées sont plus destructrices que les pires activités malfaisantes », a affirmé l’une de leurs principales figures, l’ayatollah Mohammad Taqi Mesbah Yazdi.
« Cette déviation est la plus dangereuse de toutes celles de l’histoire de l’islam chiite », n’a pas hésité à affirmer de son côté l’un des représentants du Guide au sein des Gardiens de la révolution, l’hodjatoleslam Mojtaba Zolnour.