TEHERAN, 20 jan 2013 (AFP) – Explosion des prix du kérosène et des billets, fréquentation en chute libre, avions cloués au sol pour défaut de paiement, retrait des compagnies étrangères: les sanctions internationales ont plongé le transport aérien iranien dans la tourmente ces derniers mois.
« Il est probable que certaines petites compagnies vont faire faillite », s’alarme le chef de l’Organisation de l’aviation civile, Hamid Reza Pahlevani, cité cette semaine par les médias.
Apparemment confrontée à des difficultés de trésorerie, comme beaucoup de sociétés iraniennes, la compagnie nationale de distribution des produits pétroliers (NIOPDC) a triplé en octobre le prix du kérosène pour des vols internationaux à partir de l’Iran. Le litre est ainsi passé de 7.000 à plus de 21.000 rials (de 0,25 à 0,75 dollar environ au taux du marché libre), selon les médias. Pour les vols intérieurs, il est passé de 4.000 à 7.000 rials (+75%).
Cette hausse visait à ramener le prix du carburant iranien, longtemps subventionné, au niveau de celui des pays du Golfe, selon les médias.
Ces augmentations sont la conséquence de la suppression de subventions gouvernementales sur l’énergie, d’une forte inflation -plus de 25% officiellement- et de l’effondrement du rial du fait des sanctions économiques occidentales contre Téhéran.
Les Etats-Unis et l’Union européenne ont imposé un embargo pétrolier et bancaire, qui a entraîné une pénurie de devises et renchéri les importations, pour contraindre l’Iran à infléchir son programme nucléaire controversé.
Les prix des taxes et services aéroportuaires ont doublé, parfois triplé, après la suppression des subventions. Les compagnies ont aussi perdu fin 2012 le bénéfice du taux de change officiel pour l’achat de devises, ce qui a doublé certains coûts d’équipement ou de maintenance.
Fréquentation en baisse
Les transporteurs ont réagi en augmentant leurs tarifs de 70% sur les vols intérieurs et de 90% sur les vols internationaux, provoquant une chute de 25% de la fréquentation, selon le président de l’Association des compagnies aériennes iraniennes, Abdolreza Moussavi.
« Le revenu des compagnies a baissé de 15% depuis août », a affirmé M. Moussavi, ajoutant que certains transporteurs étaient « au bord de la faillite, sans argent pour payer leurs dettes ».
Début janvier, la NIOPDC a cloué au sol quelques heures, en refusant de les ravitailler, les avions des compagnies Mahan Air et Aseman, accusées d’avoir trop d’arriérés de paiement. Elle exige désormais d’être payée comptant par toutes les compagnies endettées. Selon le vice-ministre du Pétrole, Ali Reza Zeighami, ces arriérés s’élèveraient à 7.500 milliards de rials (225 millions de dollars au marché libre).
Ces difficultés n’empêchent pas pour l’instant les agences de voyages de proposer de nombreux séjours à l’étranger pour la période du Nouvel an iranien, le 21 mars.
La crise a suscité des remous dans la classe politique, généralement très critique à l’égard de la politique gouvernementale de suppression des subventions.
« Avec ces hausses, nous allons réaliser en une semaine ce que les Etats-Unis ne sont pas parvenus à faire en trente ans: clouer au sol nos compagnies aériennes », a ironisé un responsable non identifié cité par le quotidien Jomhouri Eslami, en référence à l’embargo américain sur l’achat d’avions et d’équipements aéronautiques imposé après la révolution islamique.
L’impact est d’autant plus fort sur les transporteurs iraniens que leurs flottes sont hors d’âge à cause de cet embargo. Les appareils, parfois vieux de 30 ans, consomment « le double des avions des compagnies étrangères », selon ce même responsable.
Certains transporteurs européens ont tiré la leçon de la situation économique: la compagnie néerlandaise KLM et l’autrichienne Austrian ont annoncé l’arrêt des liaisons vers l’Iran, qui ne sera plus desservi à partir d’avril que par Lufthansa, Alitalia, Aeroflot et Turkish Airlines.