Une interview avec un transfuge du programme nucléaire secret iranien
Iran Focus, Paris, 14 juillet Alireza Assar a obtenu sa maîtrise de physique en haute énergie et en particules élémentaires à luniversité St Andrews en Ecosse en 1977 et son doctorat de mathématiques à luniversité de Vienne, en Autriche. Il a également étudié la physique théorique au prestigieux centre de physique théorique de Trieste, en Italie. Il a été professeur de physique à luniversité Chahid Bahonar à Kerman (sud de lIran) et a été conseiller au ministère de la défense pour le programme nucléaire jusquau début des années 1990. Il est parti dIran en 1992 mais a maintenu ses contacts avec ses amis et ses collègues scientifiques dans le pays.
Iran Focus :Beaucoup suspectent lIran de mener un programme darmement nucléaire secret. LIran dit que son programme nucléaire est à but entièrement pacifique. Quelle est la vérité ?
Assar :Il y a deux programmes nucléaires parallèles en Iran ? Celui qui est dirigé par lorganisation iranienne de lénergie atomique (OIEA) est centré sur le réacteur deau légère à Bouchehr. En apparence, ce site était désigné pour générer de lélectricité. Mais le régime iranien a développé un vaste programme denrichissement de luranium dissimulé au monde extérieur jusquen 2002, quand le Conseil national de la résistance iranienne la en premier révélé. Il sagit du programme militaire destiné à produire suffisamment duranium enrichi pour permettre au régime de produire des armes nucléaires. Je sais avec certitude que ce programme est en cours depuis au moins dix-huit ans et quil était sous le contrôle des gardiens de la révolution et du ministère de la défense, totalement séparé de lOIEA qui ne possède aucune information sur le programme militaire.
Q : Le ministre des affaires étrangères iranien a dit récemment que lIran a un taux de croissance démographique élevé et quil a besoin du nucléaire pour produire de lélectricité.
R : Cest une insulte à lintelligence de dire quun régime qui cachait un vaste programme denrichissement de luranium et dautres aspects critiques de son projet nucléaire de la communauté international pendant 18 ans essaie de produire de lélectricité.
Q : Comment êtes-vous entré dans le côté militaire du programme nucléaire ?
R : Il sont venus me chercher. Quand jenseignais à luniversité de Kerman, les gardiens de la révolution mont invité en 1985 à coopérer avec eux sur le projet nucléaire. Jai même eu deux rencontres en 1987 et 1988 avec le commandant en chef dalors des gardiens de la révolution, Mohsen Rezaï [à présent secrétaire général du conseil de discernement des intérêts de lEtat »> qui est venu avec deux de ses hauts commandants à Kerman pour ces entrevues. Nous nous sommes vus dans le bureau du gouverneur de Kerman. Ils étaient intéressés dans les dispositifs de déclenchement à neutron. Je leur ai dit que la recherche avait un coût astronomique. Ils mont demandé quel chiffre javais à lesprit. Jai dit cent millions de dollars. Rezaï a souri et a dit : « nous avons alloué 800 millions de dollars pour ça. Allez-y ». Cette conversation et dautres avec les hauts commandants des gardiens de la révolution mont prouvé quils cherchaient la bombe atomique et quil sagissait dune politique dEtat. Est-ce que des commandants de la révolution pouvaient agir de leur propre chef et décider dun budget de 800 millions de dollars ? Certainement pas.
Q : Etiez-vous seuls durant ces rencontres ?
R : Non. Il y a avait deux autres scientifiques nucléaires, Alireza Bahrampour et Mohammad Bolourizadeh. Les deux travaillaient pour le ministère de la Défense. Bahrampour soccupait de la technologie laser dans le système de guidage des missiles. Les gardiens de la révolution étudiaient depuis longtemps les problèmes associés à lacquisition darmes nucléaires. La production dune simple bombe atomique nétait pas un gros défi, mais faire une bombe assez légère et petite pour la mettre dans logive dun missile était un bien plus grand défi. Ça fait des années quils y travaillent.
Q : Quand est-ce quils auront la bombe ?
R : En tant que physicien, avec de nombreux contacts et beaucoup dexpérience dans le milieux nucléaire iranien, je nai aucun doute dans mon esprit que le régime à Téhéran nest pas loin de lobtenir. Ils ont les précurseurs dont ils ont besoin, cest donc une question dingénierie et de temps. Nous ne devons pas nous faire dillusions. La direction actuelle à Téhéran considère larme nucléaire comme une partie indispensable de sa stratégie.
Q : Comment larrivée de lultra conservateur président Mahmoud Ahmadinejad change la donne ?
R : Vous devez comprendre que le programme darmes nucléaires est le fief exclusif des gardiens de la révolution. Maintenant que vous avez à la tête de la branche exécutive un ancien commandant des gardiens de la révolution avec un passé comme celui dAhmadinejad, le programme darmes nucléaires va bénéficier dun nouvel élan. Ils pourront utiliser toutes les ressources de lEtat sans sinquiéter des autres factions internes. Ainsi donc larrivée dAhmadinejad va faire avancer plus vite lhorloge nucléaire. Cest un disciple fidèle [du guide suprême layatollah Ali Khameneï »>, alors les négociations avec les Européens naboutiront certainement à rien.
Q : Il y a un grand tapage autour de lenrichissement duranium. La position américaine cest que lIran doit totalement abandonner lenrichissement. Les Britanniques et les Allemands sont daccords mais la France semble vouloir permettre à lenrichissement de se poursuivre à un certain degré. Quen pensez-vous ?
R : Ce sera un désastre de permettre au régime iranien de continuer son programme denrichissement. Pourquoi le régime insiste pour maintenir un programme denrichissement même limité ? La raison cest que si vous avez des milliers de centrifugeuses, ce quils ont, il leur sera très facile den cacher un certain nombre dans plusieurs sites militaires.
Q : Il est donc sans espoir de chercher à stopper lIran de se doter de larme atomique ?
R : Ce sera certainement sans espoir de continuer ce jeu du chat et de la souris qui dure depuis trois ans. Les Européens se sont mis dans une position désespérée avec deux accords avec Téhéran. Dans ce jeu, cest à eux de trouver une aiguille dans une botte de foin. Ils doivent trouver si lIran cache des centrifugeuses dans un pays trois fois grand comme la France. Les mollahs mènent une politique de « attrape-moi si tu le peux ». Le régime iranien ne sest jamais avancé pour déclarer quelque chose de tout à fait inconnu de lAIEA. Chaque déclaration du régime iranien est venue en réponse à des révélations du Conseil national de la résistance iranienne ou des découvertes de lAIEA elle-même. Les déclarations de lIran sont une collection de démentis, dhistoires qui changent et dadmissions à retardement.
Q : Quen est-il du peuple iranien ? Certains analystes disent que la majorité des Iraniens veulent que la république islamique possède des armes nucléaires.
R : Cest de la pure propagande. La vaste majorité des Iraniens, particulièrement les gens éduqués et les scientifiques, nen peuvent plus dattendre la fin de cette dictature religieuse. Cest pourquoi ils voient les armes nucléaires comme quelque chose qui va prolonger leur règne. Cest pourquoi ils nen veulent pas.
Q : Que faudrait-il faire ?
R : Sil y a une volonté, il y a un moyen. Cesser les concessions, déférer le cas devant le Conseil de sécurité et rendre clair que le monde ne va pas tolérer un régime intégriste islamique et un état parrain du terrorisme armé de la bombe atomique. Les mollahs comprennent le langage de la force. La seule manière de les arrêter cest de faire un choix qui soit très clair à leurs yeux. En ce moment, ils pensent que loccident est trop divisé, indécis et intéressé dans le commerce et le pétrole pour agir avec fermeté.