Le Figaro, Vienne, 19 septembre – A peine le sommet de l’ONU vient-il de se terminer à New York que l’Iran retrouve le banc des accusés à Vienne, siège de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui le somme de faire marche arrière sur ses intentions nucléaires. Un rôle que le régime des mollahs n’a plus guère quitté depuis qu’en 2002, un mouvement de l’opposition iranienne en exil, les Moudjahidins du peuple, a révélé l’existence d’un programme nucléaire iranien clandestin.
Le conseil des gouverneurs de l’AIEA, organe exécutif de l’agence, se réunit aujourd’hui pour étudier le rapport transmis le 3 septembre par le directeur général de l’agence, Mohammed ElBaradei, sur l’état du programme nucléaire iranien, et envisager à nouveau une éventuelle saisine du Conseil de sécurité. Dans ce document d’une inhabituelle sévérité, l’Egyptien prenait acte de la reprise des activités de conversion de l’uranium le 5 août dernier sur le site d’Ispahan, préalable à la phase cruciale de l’enrichissement de l’uranium, exploitable à des applications aussi bien civiles que militaires. Il reprochait également à l’Iran de ne pas avoir permis de résoudre, «après deux ans et demi d’inspections et d’enquêtes intenses», de nombreuses «questions en suspens».
Malgré tout, Européens et Américains avaient renoncé une première fois à solliciter une réunion extraordinaire du Board, le 6 septembre. Ils savaient qu’ils ne parviendraient pas à convaincre les trente-cinq gouverneurs de la nécessité d’un recours au Conseil de sécurité. La Russie et la Chine, embarquées dans une fructueuse coopération énergétique avec l’Iran, avaient exprimé leur réticence à transférer le dossier au Conseil de sécurité. L’opposition de ces deux «grands» et d’une partie des quatorze pays «non alignés», avait déjà conduit à une résolution en demi-teinte de l’AIEA, le 11 août, condamnant l’Iran pour ses manquements au régime de non-prolifération, tout en reconnaissant son droit à disposer d’un programme nucléaire civil.
Marchant sur des oeufs, l’Union européenne et les Etats-Unis devraient en toute logique différer le passage au vote au Board, deux ou trois semaines peut-être, le temps de convaincre les plus réticents de se rallier à l’option du Conseil de sécurité. En coulisses, les diplomates occidentaux assurent pouvoir rassembler vingt voix sur trente-cinq. Une majorité de dix-huit votes suffirait pour faire passer une résolution, même vivement contestée.
L’AIEA, habituée à statuer sur le mode du consensus, par un vote tacite et unanime de tous ses membres, ressortirait déchirée et fragilisée d’une telle épreuve. La dernière fois que ses gouverneurs avaient dû procéder à un vote en bonne et due forme, en janvier 2003, l’agence avait déféré le dossier nord-coréen au Conseil de sécurité. Dans la foulée, Pyongyang avait renoncé au traité de non-prolifération (TNP). La même menace que Téhéran agite aujourd’hui.