AFP, Téhéran, 29 décembre – Téhéran a assoupli sa position à l’égard d’une proposition de Moscou d’enrichir de l’uranium iranien en Russie, en indiquant qu’elle l’étudiait, alors que jusqu’ici les responsables iraniens l’avaient rejetée a priori.
Un adjoint du secrétaire du Conseil de la sécurité nationale russe Igor Ivanov doit être dépêché à Téhéran pour éclaircir certains aspects de cette proposition, a indiqué jeudi à l’AFP une source iranienne proche des négociations.
« La nouvelle proposition russe peut être étudiée afin d’éclaircir ses aspects économique, technique et scientifique », a dit mercredi Javad Vaidi, membre influent du Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne.
Jeudi, le porte-parole du Conseil, Hossein Entezami, a confirmé à l’AFP que « l’Iran a reçu la proposition russe et est en train de l’examiner ».
Les Etats-Unis ont accueilli avec circonspection cet assouplissement apparent de la position iranienne. « Il est difficile, aujourd’hui, de dire ce que cela signifie », a déclaré à la presse Adam Ereli, un porte-parole du département d’Etat.
« Aujourd’hui, je ne peux pas vraiment dire quelles sont les intentions des Iraniens », a-t-il dit, jugeant « difficile » de penser que la déclaration de M. Vaidi signifiait que l’Iran allait désormais coopérer.
Paris a « pris acte » de la position iranienne. « Le temps presse désormais et il revient à l’Iran de prendre les décisions nécessaires à la relance d’un processus de négociation conforme aux voeux de la communauté internationale », a déclaré le porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères, Denis Simonneau.
Selon un observateur occidental dans la capitale iranienne, « ce signe d’ouverture va dans le bon sens, à condition qu’il se concrétise ». Il y voit un autre « élément positif, dans le fait que les Russes apportent une contribution concrète à la résolution de ce problème ».
Jusqu’ici les dirigeants iraniens rejetaient a priori la proposition russe, en arguant qu’elle n’était pas formelle, et surtout que l’Iran tenait à son « droit à l’enrichissement » d’uranium sur son territoire.
Samedi, le ministère russe des Affaires étrangères a signalé que la proposition de Moscou de créer « sur le territoire de la Russie une entreprise conjointe russo-iranienne pour l’enrichissement de l’uranium est toujours en vigueur ».
Le lendemain, le porte-parole de la diplomatie iranienne, Hamid Reza Assefi, la rejetait implicitement en expliquant que l’Iran accueillait « positivement (seulement) les propositions et les plans qui reconnaissent le droit de la République islamique à faire de l’enrichissement sur son propre sol ».
« Soyez certains que nous ne reculerons pas d’un iota sur nos droits légitimes en matière nucléaire », avait martelé à la mi-décembre le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad.
Mercredi, M. Vaidi a précisé que « dans tous les cas, la proposition russe n’impliquera rien au delà du TNP (Traité de non prolifération nucléaire) et ne peut priver l’Iran de ses droits ».
Téhéran estime avoir droit, en tant que signataire du TNP, à la maîtrise de tout le cycle de production du combustible nucléaire, dont l’enrichissement. Ce dernier permet aussi de produire le matériau fissile indispensable à la bombe atomique.
C’est pourquoi les Européens de l’UE-3 (Allemagne, France, Grande-Bretagne), qui ont renoué le dialogue avec l’Iran sur son programme nucléaire le 21 décembre, pressent Téhéran d’accepter la solution russe.
Elle est seule à même de garantir à leurs yeux que les Iraniens ne détournent pas le procédé d’enrichissement d’uranium à des fins militaires.
Elle permet aussi accessoirement de faire entrer la Russie de plain-pied dans le jeu des négociations avec Téhéran.
« Le véritable enjeu diplomatique en ce moment est de nous rallier les Russes pour que nous puissions déférer ce dossier devant le Conseil de sécurité », confiait à Vienne un diplomate de l’UE-3 à la veille de la reprise des discussions avec l’Iran.
Car si l’Iran venait à rejeter la proposition russe, Moscou aurait plus de mal à résister aux pressions des Américains notamment pour renvoyer le dossier iranien devant l’Onu.
L’envoi d’un adjoint de M. Ivanov, selon la source iranienne proche des négociations, doit permettre « d’éclaircir un certain nombre de problèmes et d’ambiguités dans la proposition russe ».