AFP : 17 décembre – Les réserves américaines envers les efforts de Paris, Londres et Berlin pour amener l’Iran à renoncer définitivement à toute ambition nucléaire militaire risquent d’affaiblir les chances de succès des Européens, estiment des responsables politiques et des experts.
Dans le même temps, les Etats-Unis, déjà englués en Irak et en proie à de profondes divisions internes sur la marche à suivre face à Téhéran, peinent à définir une stratégie alternative claire, relèvent-ils.
Les Européens sont parvenus à obtenir de l’Iran une suspension des activités d’enrichissement d’uranium, qui peuvent avoir une finalité militaire, et sont désormais engagés dans des discussions délicates sur une coopération avec Téhéran destinée à l’encourager à rester dans cette voie.
Mais les mesures d’incitation proposées par Paris, Berlin et Londres n’ont de chances d’être convaincantes que si Washington, dont l’ombre pèse sur les discussions, fait aussi preuve de bonne volonté, en particulier dans les domaines commercial et sécuritaire.
Or les Etats-Unis ont déjà envoyé un signal négatif cette semaine en s’opposant pour la vingtième fois à l’entrée de l’Iran à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), alors que les Européens soutiennent sa candidature.
Le ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier, en visite-éclair mercredi à Washington, a reconnu que les responsables américains restaient « sceptiques » face aux efforts européens.
Il a aussi reconnu qu’une grande partie des chances de succès reposait sur un appui américain, même discret. « Nous avons besoin du regard, du soutien, de l’accompagnement des Etats-Unis », a-t-il dit.
Un groupe d’anciens ministres des Affaires étrangères vient de lancer un appel pour que Washington sorte de sa réserve, estimant que « la coopération transatlantique est la seule voie pour une solution viable » au problème iranien.
Le groupe, qui a publié une tribune dans le Washington Post, suggère aussi que les Etats-Unis reprennent langue avec Téhéran sur le terrain commercial et diplomatique, malgré un quart de siècle de rupture des relations bilatérales.
Outre l’Américaine Madeleine Albright, cet appel est signé par le Français Hubert Védrine, le Britannique Robin Cook, le Canadien Lloyd Axworthy, l’Italien Lamberto Dini, l’Espagnole Ana Palacio, le Danois Niels Helveg Petersen et le Néerlandais Jozias van Aertsen.
Washington ne décourage pas officiellement les démarches des Européens, mais maintient sa demande que ce dossier passe de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) au Conseil de sécurité de l’ONU, en vue de possibles sanctions contre Téhéran.
Dans le même temps, Washington a du mal à définir une stratégie propre, au-delà d’un recours à l’ONU dont ni le principe ni les résultats ne sont acquis d’avance.
Pour Ray Takeyh, spécialiste de l’Iran au Council on Foreign Relations (CFR), un institut indépendant, la difficulté tient notamment aux clivages au sein de l’administration américaine.
« Ces divisions sont source de paralysie. Il y a ceux qui voudraient avoir une approche plus constructive envers les efforts européens, et ceux qui pensent que le seul moyen de contrer les plans nucléaires de l’Iran réside dans une politique de +changement de régime+ à Téhéran », estime-t-il.
L’élaboration d’une politique iranienne est d’autant plus délicate que Téhéran a une capacité considérable de nuire aux intérêts américains dans deux domaines: la stabilisation de l’Irak et une relance du processus de paix israélo-palestinien.
« Ces questions sont toutes liées, dans la mesure où la politique iranienne en Irak ou vis-à-vis du processus de paix sont une source de tensions potentielles avec Washington, tout autant que le nucléaire », souligne le spécialiste.
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