Le Journal du Dimanche, 25 février Interview Antoine Malo Après la publication jeudi du rapport de lAIEA (Agence internationale de lénergie atomique) qui constate la poursuite du programme nucléaire iranien et la violation des résolutions de lONU, les six grandes puissances (Etats-Unis, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Chine, Russie) se réunissent demain à Londres pour discuter dun éventuel élargissement des sanctions contre Téhéran. Bruno Tertrais, chercheur à la Fondation de recherche stratégique, analyse pour le JDD les enjeux de ce dossier.
Y AURA-T-IL DE NOUVELLES SANCTIONS CONTRE TEHERAN?
Jen doute fort. La Chine et la Russie ont fait savoir quelles ny étaient pas pour linstant favorables. Quant aux pays européens, ils souhaitent maintenir lunité de la communauté internationale quitte à ce que le message en soit un peu dilué. Ils sont donc réticents à aller beaucoup plus loin. Mais cette posture ne pourra tenir très longtemps. Les Américains exercent déjà des pressions sur les banques occidentales afin quelles limitent leurs prêts à Téhéran. On peut dailleurs sanctionner Téhéran sans résolution de lONU.
EST-CE REELLEMENT EFFICACE ?
En partie. Un débat se développe aujourdhui à Téhéran sur la démarche jusquau-boutiste et provocatrice du régime sur le dossier du nucléaire comme sur dautres. Le président Ahmadinejad est de plus en plus contesté, y compris dans les cercles conservateurs. Dautant que sur le plan intérieur, il na pas répondu aux attentes des électeurs. Mais pour linstant, cela na aucun impact sur le programme nucléaire.
OU EN EST CE PROGRAMME ?
Loin de ralentir ou de geler son programme, Téhéran continue son bonhomme de chemin nucléaire. Daprès le rapport de lAIEA de jeudi, lIran va même assez vite dans la mise en place de ses centrifugeuses, notamment sur le site de Natanz (centre du pays), destinées à lenrichissement de luranium. On savait déjà que deux cascades de 164 centrifugeuses étaient opérationnelles dans lusine pilote. Désormais, deux autres sont en voie de réalisation. Le rapport révèle aussi que lIran a lintention de faire fonctionner un ensemble de 3.000 centrifugeuses dans lusine principale dès le mois de mai. Jen conclus que lIran pourrait disposer dune bombe fin 2008.
UNE INTERVENTION MILITAIRE AMERICAINE EST DONC ENVISAGEABLE ?
Ce ne sont pour lheure que des rumeurs. Il est vrai quil existe des pressions de ladministration Bush, mais elles sont autant liées à lIrak quau dossier du nucléaire. Le but est notamment de persuader les dirigeants iraniens de ne pas aller trop loin dans leurs interférences en Irak, et notamment dans leur soutien aux milices chiites. Mais sil devait y avoir une intervention militaire, elle ninterviendrait pas avant que le programme nucléaire iranien soit plus avancé et que les forces américaines aient commencé leur redéploiement. Donc pas avant 2008.