Le Monde, 25 avril – Par Natalie Nougayrède – Les discussions prévues, mercredi 25 et jeudi 26 avril à Ankara, entre le chef de la diplomatie européenne, Javier Solana, et le négociateur iranien, Ali Larijani, s’inscrivent dans un nouvel effort des Européens pour tenter de parvenir à un règlement négocié de la crise diplomatique sur le nucléaire iranien.
Cette rencontre – la première entre les deux hommes depuis le 11 février – intervient alors qu’approche la nouvelle date butoir (23 mai) fixée par le Conseil de sécurité de l’ONU pour que l’Iran suspende ses activités d’enrichissement d’uranium. M. Solana a expliqué que l’objectif était de « voir si un travail préparatoire (pouvait) avoir lieu pour que l’on puisse entrer dans des négociations formelles ».
Mais la prudence est de mise. Lundi, M. Larijani a commenté que son interlocuteur européen ne « devrait pas parler de conditions préalables dans les nouvelles discussions », tandis que le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, qualifiait d' »illégitime » toute suspension de l’enrichissement, et comparaît l’Europe à une simple traductrice des desiderata américains.
Plusieurs facteurs expliquent cependant la nouvelle tentative européenne. « Les sanctions mordent et les résolutions de l’ONU s’enchaînent, au rythme d’une tous les soixante jours environ », dit une source européenne, qui ajoute : « Mais la situation n’est pas satisfaisante. Il faut trouver le moyen d’amener les Iraniens à faire un geste. » Les diplomates sont à la recherche d’une « chorégraphie » qui permettrait à l’Iran de sauver la face. Selon l’un des scénarios envisagés, Téhéran annoncerait, dans un premier temps, que les Occidentaux sont prêts à « discuter » de la création d’un « consortium international » pour l’enrichissement d’uranium sur le territoire iranien. Puis la République islamique s’engagerait à suspendre ses activités nucléaires litigieuses, ce qui permettrait, simultanément, une suspension des sanctions de l’ONU. Cette « chorégraphie » ne préjugerait en rien de la création d’un tel consortium – dont les Occidentaux ne veulent d’ailleurs pas – mais elle permettrait à l’Iran de prétendre que des négociations se sont engagées sans condition préalable.
L’effort européen est observé avec patience par Washington, qui, ces derniers temps, a évité de dramatiser l’état d’avancement des travaux nucléaires iraniens. Les scientifiques du site de Natanz rencontrent d’importantes difficultés techniques, en dépit des effets d’annonce de M. Ahmadinejad. Cela donne encore du temps à la diplomatie : plusieurs mois, voire un an, disent certains. D’autant qu’une certaine unité de vues semble se maintenir entre les six puissances traitant le dossier (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Chine, Allemagne). Les Russes ont admis que le processus de sanctions graduées avait des chances d’aboutir, puisque des tiraillements sont apparus au sein du régime iranien. Ils ont par ailleurs annoncé aux Occidentaux qu’ils ne livreraient pas de combustible pour la centrale nucléaire de Bouchehr tant que Téhéran n’aurait pas suspendu ses activités d’enrichissement.
Des discussions ont déjà lieu entre les capitales sur un prochain durcissement des sanctions, au cas où l’Iran n’obtempérerait pas. Il est question d’un embargo partiel sur les ventes d’armes à l’Iran, et d’une suspension des garanties de crédits à l’exportation vers ce pays.