Le Figaro, 25 septembre Par Jean-Louis Turlin – Le dirigeant controversé a « mobilisé » les médias et les manifestants sur le campus de Columbia, puis devant l’ONU.
« Le mal a atterri ». La manchette du Daily News en dit long : le sommet climatique avait beau regrouper 80 chefs d’État ou de gouvernement hier aux Nations unies, c’est la visite de Mahmoud Ahmadinejad qui a défrayé la chronique new-yorkaise jusqu’alors. La polémique avait commencé la semaine dernière, lorsque les autorités ont refusé à l’avance l’accès de Ground Zero au président iranien, qui voulait y déposer une gerbe (nos éditions d’hier). Elle s’est poursuivie hier à l’université Columbia, qui a déclenché un tollé en offrant une tribune à l’ennemi déclaré d’Israël.
À l’entrée du campus situé dans Harlem, les opposants tentaient de mobiliser les étudiants, trois heures avant la conférence-débat qui devait être retransmise dans la cour principale. C’est dans le calme, sinon l’indifférence, que l’on sortait exceptionnellement les cartes justifiant de l’inscription à l’université pour franchir le cordon de sécurité.
« L’HITLER IRANIEN VIENT À COLUMBIA ! »
« L’Hitler iranien vient à Columbia ! Stoppez Ahmadinejad ! » En distribuant les tracts de l’Organisation de défense juive , Mordecheit Levy expliquait que la meilleure riposte était entre les mains des anciens étudiants, dont les dons représentent un tiers du budget de l’établissement : « Si l’on donne l’argent ailleurs, on fait sauter le président de l’université. »
Lee Bollinger a dû défendre sa décision d’autoriser cette année ce qu’il avait refusé l’an dernier en invoquant des problèmes de logistique. Ahmadinejad a cette fois accepté le principe d’un débat contradictoire, et Bollinger s’est engagé à lui poser lui-même des questions sur son rejet de l’Holocauste et de l’État d’Israël. Mais le président de l’université a jeté de l’huile sur le feu en ne désavouant pas les propos de l’arbitre du débat d’hier, John Coatsworth, qui a déclaré que le Führer lui-même aurait dû pouvoir s’exprimer à Columbia.
C’est là le vrai débat : jusqu’où va la sacro-sainte liberté de parole ? John Shea et Reed Werner, deux anciens militaires de retour d’Irak, aujourd’hui étudiants de la Business School, estiment qu’elle est faite pour « profiter aux citoyens américains, pas aux dictateurs et tyrans étrangers ». Alana Adler, qui manifestait hier pour la première fois de sa jeune vie, dénonce pour sa part « l’hypocrisie » de l’université, qui invite Ahmadinejad mais ferme son campus aux recruteurs de l’armée américaine. Après Columbia, les manifestants se sont donné rendez-vous devant l’ONU, où le président iranien parlera aujourd’hui pour la troisième fois devant l’Assemblée générale.