Le Monde, 10 novembre Par Natalie Nougayrède Cinq ans après qu’un groupe d’opposants iraniens en exil a révélé les aspects clandestins du programme nucléaire de la République islamique, celui-ci se trouve au coeur d’une crise diplomatique qui ne cesse de s’intensifier. Il met en jeu à la fois le sort du régime de non-prolifération et la montée de la puissance régionale que constitue l’Iran, placé au centre des dossiers brûlants du Proche et du Moyen-Orient. Plusieurs échéances importantes pourraient jouer un rôle dans l’issue de la crise, ou peser sur la façon dont les Occidentaux s’emploieront à la traiter, alors que ceux-ci sont aux prises avec les réticences de la Russie et de la Chine. Ces deux puissances bloquent l’adoption à l’ONU de nouvelles sanctions contre Téhéran depuis le mois de septembre.
Le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mohammed ElBaradei, doit rendre, vers le 12 novembre, son rapport sur le degré de coopération de l’Iran avec ses équipes d’inspecteurs. Ce rapport doit évaluer les résultats d’un « plan de travail » établi en août entre l’AIEA et Téhéran, qui vise à faire la lumière sur le passé du programme nucléaire iranien. Un autre rapport se profile : celui du chef de la diplomatie européenne, Javier Solana, à propos de la réponse de l’Iran à une offre de coopération des grandes puissances, transmise en juin 2006, mais dont la condition préalable est la suspension par Téhéran des activités d’enrichissement d’uranium.
STRATÉGIE D’ENDIGUEMENT
En dépit des luttes d’influence apparues au sein du régime des mollahs, l’Iran a officiellement refusé toute forme de suspension de ses activités d’enrichissement, contrairement aux demandes qui lui ont été signifiées par le Conseil de sécurité de l’ONU depuis juillet 2006. Si l’un ou l’autre des rapports de M. ElBaradei et de M. Solana est négatif, disent les diplomates occidentaux, alors le Conseil de sécurité prendra un troisième train de sanctions, après celles qui ont déjà été votées, en décembre 2006 puis en mars.
Face à l’Iran, les Etats-Unis ont déployé une stratégie d’endiguement comportant plusieurs éléments : déploiement de porte-avions dans le Golfe, efforts pour rallier les Etats arabes sunnites « modérés » contre Téhéran, sanctions à l’ONU et campagne d’étranglement financier visant à détourner les banques et firmes internationales de l’Iran. Washington affirme à la fois que « toutes les options sont sur la table », y compris l’option militaire, et que la diplomatie doit suivre son cours.
Une course contre la montre est ainsi engagée. Des diplomates qui suivent de près le dossier affirment que le seuil des 3 000 centrifugeuses a été atteint en octobre, dans l’usine iranienne d’enrichissement d’uranium de Natanz. Théoriquement, ce volume permet à l’Iran de produire, en l’espace d’un an, assez de matière fissile pour fabriquer une bombe nucléaire.