Le Monde, 28 novembre – Alors que la Chine soutient l’Iran dans le dossier du nucléaire iranien, Areva, par l’intermédiaire de Nicolas Sarkozy, vient de signer la vente de deux réacteurs EPR (réacteurs nucléaires de troisième génération à eau sous pression) à Pékin. Selon Bruno Tertrais, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique et auteur du livre Iran, la prochaine guerre à paraître le 29 novembre aux éditions Le Cherche Midi, le risque de transmission de la technologie nucléaire à l’Iran est limité.
Question : Nicolas Sarkozy tient-il un double discours sur le nucléaire, l’un conciliant avec Chine et l’autre plus ferme avec l’Iran, deux pays qui ont par ailleurs des liens étroits ?
Bruno Tertrais : Non, pas vraiment. Nicolas Sarkozy affirme à la fois directement aux Chinois et indirectement aux Iraniens que tout pays en développement a droit au nucléaire civil. Seule condition : respecter les normes de non-prolifération. En outre, vendre des centrales nucléaires destinées à la production d’électricité à la Chine et maintenir la position que nous connaissons sur l’Iran n’est pas contradictoire. Il n’est pas question de nier le bénéfice du nucléaire civil. Les Européens ont d’ailleurs proposé à l’Iran de l’acquérir, à condition qu’il respecte le traité de non-prolifération (TNP), à savoir notamment le non-développement du nucléaire militaire.
Question : En vendant le nucléaire à la Chine, n’y a-t-il pas un risque de « fuite » vers l’Iran ?
Bruno Tertrais : Je ne le pense pas. A l’heure actuelle, il ne semble plus y avoir de transfert de technologie de la Chine vers l’Iran, comme il a pu y en avoir par le passé. Mais l’avenir reste incertain. Même si la Chine décide de reprendre sa coopération nucléaire avec l’Iran, les contrats signés par Areva avec Pékin aujourd’hui ne permettraient pas un transfert de technologie sensible de Pékin vers Téhéran. En effet, les réacteurs de type EPR vendus à la Chine n’impliquent pas un risque de prolifération du nucléaire militaire important.
Avec ces contrats, la France espère-t-elle que la Chine se montre plus sensible à ses arguments sur le dossier du nucléaire iranien ?
Bruno Tertrais : Seulement de manière très indirecte. Nicolas Sarkozy essaie de développer de bonnes relations commerciales avec la Chine, espérant que Paris soit alors plus audible auprès des autorités chinoises sur ce dossier. Mais envisager que la vente de réacteurs nucléaires à Pékin nous aide à nous assurer le soutien de la Chine pour de nouvelles sanctions contre l’Iran me paraît un peu ténu.
Propos recueillis par Julie Schneider